Mémentos - Droit des étrangers - 1re - 89

CHAPITRE 3 - L'étranger
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1* LA VARIÉTÉ DES ANCIENS STATUTS JURIDIQUES
139. Nationaux assimilés à des étrangers. La distinction entre les Français et les
étrangers ne semble pas pouvoir admettre de « situation intermédiaire »94
. Pourtant,
brouillant cette dichotomie binaire95
, certains Français ont pu historiquement être assimilés
à des étrangers : ils n'étaient pas titulaires de l'ensemble des droits civils et politiques
usuellement reconnus aux Français, ainsi que cela ressort de plusieurs exemples.
140. « Indigènes » et étrangers. L'exemple algérien. En premier lieu, les « indigènes
» de l'ancien empire colonial français, c'est-à-dire les « sujets » français originaires
des colonies, furent assujettis à un statut juridique proche de celui des
étrangers96
, donnant ainsi naissance à une nationalité française « dénaturée »97
.
Comme le résume un célèbre arrêt rendu le 27 octobre 1910 par la cour d'appel
d'Indochine, « l'indigène [se trouve dans] une situation intermédiaire entre celle des
citoyens français et celle des étrangers ; par leur nationalité, ils se rapprochent des
citoyens ; par leur statut personnel, ils se rapprochent des étrangers ». Le régime juridique
applicable aux « indigènes » était complexe, car variant en fonction des colonies
et des territoires. Par exemple, en Algérie, annexée à l'empire colonial français en
1834, les « indigènes » juifs et musulmans étaient des sujets français, donc de nationalité
française. S'ils pouvaient servir dans les armées françaises et exercer des emplois
publics en Algérie, leur statut personnel n'était pas régi par le Code civil, mais par le
droit local constitué de coutumes ainsi que par la loi musulmane pour les « indigènes
musulmans »98
. En outre, ils ne pouvaient exercer aucun droit politique, n'ayant pas la
qualité de citoyen. Enfin, ils faisaient l'objet de textes discriminatoires qui réduisaient
leur liberté à portion congrue, ainsi que le symbolise le tristement célèbre « code » de
l'indigénat compulsé par une loi du 28 juin 1881 et qui liste des infractions spéciales
applicables aux « indigènes musulmans », par exemple l'interdiction de se réunir sans
autorisation ou de quitter le territoire de la commune sans permis de voyage, qui
pouvaient donner lieu à amende, internement ou séquestre décidés par un
administrateur...
Preuve de l'assimilation des « indigènes » aux étrangers, le sénatus-consulte impérial du
14 juillet 1865 leur ouvrit la possibilité de devenir citoyen français en sollicitant de
l'Administration leur « naturalisation ». Celle-ci pouvait leur être accordée à condition
qu'ils renoncent à ce que leur statut personnel soit régi par le droit local au profit du
Code civil. Cette possibilité demeura en grande partie lettre morte99
. Néanmoins, les
« indigènes juifs » résidant en Algérie obtinrent leur « naturalisation » civique avec le
célèbre décret Crémieux du 24 septembre 1870, dont les effets furent cependant rapidement
élimés par le décret du 8 octobre 1871 (l'« amendement Lambrecht ») qui
limita la citoyenneté française aux seules personnes nées en Algérie avant l'occupation
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94. Lochak D., Étrangers, de quel droit ?, op. cit., p. 50.
95. Pour en savoir plus, Parrot K., Étranger, op. cit.
96. Urban Y., L'indigène dans le droit colonial français, 1865-1955, 2010, Fondation Varennes.
97. Weil P., La France et ses étrangers, op. cit., p. 428.
98. Sénatus-consulte, 14 juill. 1865, art. 1er
.
99. On compte moins de 7 000 « naturalisations » entre 1865 et 1962. Sur ces éléments, Weil P., La
France et ses étrangers, op. cit., p. 428 et 429.

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