City & York - Le trader privé - 5e - 87

L a m a î t r i s e c o m p o r t e m e n t a L e
Sans vouloir répondre à toutes les tartuferies qui existent en ce bas monde
car un livre entier n'y suffirait pas, faisons un détour un bref instant sur
le concept souvent décrié d'effet de levier, très présent dans le monde de
la finance et notamment au niveau du trading sur marge. Rappelons simplement
que c'est précisément ce concept qui permet à un acquéreur
d'ouvrir son crédit immobilier ; par exemple en obtenant 200 000 euros
avec un apport de seulement 10 000 euros utilisant au passage un effet
de levier de 20.
Un autre concept dénigré est la vente à découvert, et pourtant ce n'est pas
une spécificité du monde financier, au contraire c'est même plutôt l'inverse
car de nombreux commerçants traditionnels peuvent vendre ce
qu'ils n'ont pas encore acheté. Généralement dans le commerce traditionnel,
cette notion de vente à découvert s'appelle délicatement « travailler
en flux tendu » pour un vendeur et pudiquement « passer
commande » pour un acheteur. Par exemple, un pâtissier peut vendre un
gâteau lundi qu'il livrera dimanche ; les ingrédients pour le réaliser ne
seront reçus qu'au cours de la semaine. Un concessionnaire de voitures
neuves vend un véhicule sur catalogue alors qu'aucune pièce n'aura
encore été assemblée en usine. Un grossiste de vêtements vend un lot
d'une centaine de pièces à un détaillant alors qu'il n'a pas encore donné
l'ordre au fabriquant d'entamer le moindre exemplaire. Et si dans l'univers
des biens cette pratique est courante, sachez que dans celui des services
elle est inévitable étant donné que c'est la nature même de l'activité
de prestation qui l'impose. En effet, par la signature d'un devis une vente
est conclue entre un acheteur et son vendeur alors même que la prestation
n'est pas encore effectuée, concrétisant ainsi ce que nous pourrions
qualifier de véritable vente à découvert sèche.
Finalement, ces pratiques qui dans la finance peuvent outrer quelques
âmes bigotes ne sont généralement que des transpositions de ce qui se fait
couramment par ailleurs dans le commerce traditionnel. Mais voilà,
peut-être que toutes ces indignations remontent à des subversions bien
plus profondes et bien moins avouables enfouies dans les tréfonds de la
partie laide de notre mémoire collective. L'argent serait-il sale ? Le manipuler
serait-il l'apanage des disciples de Shylock ? En gagner serait-il toujours
suspicieux ? En parler serait-il forcément avilissant ? Un bon trader
sait que ces questions sont d'un autre âge et est à l'aise avec les réponses.
L'argent est comme un couteau, outil ou arme, propre ou sale, cela
dépend avant tout de son utilisation, donc de son utilisateur, qui par ailleurs
peut être n'importe qui, mais avant tout celui qui le gagne de
manière légale et honnête, et qui peut ainsi en être fier.
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