Pratique des affaires - Les procédures collectives complexes - 1re - 153

LES BIENS QUI ÉCHAPPENT AU GAGE COMMUN DES CRÉANCIERS 153

A. Insaisissabilités au sein du patrimoine
3. Certains biens du débiteur sont exclus du gage commun des créanciers en
raison de leur nature même, qui a pour effet de les rendre insaisissables7. Une
telle insaisissabilité peut résulter soit de l'existence d'un lien fort unissant le débiteur au bien, le rendant indisponible, soit de la fonction alimentaire du bien, qui
justifie que la loi affirme, de façon directe, son insaisissabilité8.
S'agissant des biens indisponibles, c'est-à-dire ceux dont le débiteur ne peut
disposer librement, on a coutume de mentionner le droit d'usage9, le droit
d'habitation10 ou encore l'usufruit légal des père et mère sur les biens de
leurs enfants mineurs11. Mais l'indisponibilité concerne également des
biens dotés d'une coloration économique plus prononcée, dont le sort
pourrait intéresser les créanciers d'une entreprise en difficulté. À ce titre,
on peut par exemple évoquer le droit moral de l'auteur qui, en raison de
son caractère intime, est indisponible et donc insaisissable12. Cela signifie
ainsi que les créanciers d'un artiste connu ne peuvent procéder à sa place
à la divulgation d'une œuvre que ce dernier n'a pas souhaité rendre
publique pour en obtenir une rémunération.
Dans le même sens, on peut également mentionner le titre d'officier ministériel. En raison de sa rareté, celui-ci est doté d'une grande valeur pécuniaire.
Il pourrait dès lors être intéressant, pour les créanciers, de se saisir du titre de
notaire, d'huissier, de commissaire-priseur, de greffier du tribunal de commerce ou encore d'avocat aux conseils et d'en proposer l'acquisition aux
enchères. Toutefois, dans la mesure où le titre d'officier ministériel est
accordé intuitu personae par la puissance publique, il ne peut faire l'objet
d'une saisie. La finance connaît en revanche un sort différent du titre et
une saisie peut, en conséquence, être exercée sur le prix de la vente si l'office
a été cédé après l'agrément des autorités13.
Si l'insaisissabilité découle parfois du caractère indisponible de certains biens,
elle concerne également des biens qui, quoiqu'ils puissent être aliénés par
7. Un auteur a toutefois estimé que les biens avaient une fonction de garantie et que dès lors,
l'insaisissabilité excluait la qualification de bien (P. BERLIOZ, La notion de bien, LGDJ, 2007,
préf. L. AYNÈS, nos 687 et s.).
8. R. PERROT, P. THÉRY, Procédures civiles d'exécution, Dalloz, 3e éd., 2013, no 206 et s.
9. C. civ., art. 631.
10. C. civ., art. 634.
11. C. civ., art. 382.
12. CPI, art. L. 121-1. A. LUCAS, H.-J. LUCAS, A. LUCAS-SCHLOETTER, Traité de la propriété littéraire et artistique, 4e éd., 2012, no 509.
13. R. PERROT, P. THÉRY, Procédures civiles d'exécution, Dalloz, 3e éd., 2013, no 208 ; O. SALATI,
E. BOTREL, « Saisie des droits incorporels. Présentation générale », JCl. Voies d'exécution, LexisNexis, 2014, no 22.
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