Pratique des affaires - Les procédures collectives complexes - 1re - 248

248 LES PROCÉDURES COLLECTIVES COMPLEXES

plan Lender Led21. Voilà une technique qui participe des tendances contemporaines du traitement des difficultés des entreprises les plus importantes.
La loi s'y réfère à de nombreuses reprises22 en encourageant d'ailleurs la
libération de l'apport par compensation avec le montant de la créance23.
Surtout, l'ordonnance du 12 mars 2014 et la loi Macron du 6 août 2015 ont
placé cette conversion au centre de l'emblématique éviction des associés.
Que l'on songe à la reconstitution forcée des capitaux propres au stade de
la période d'observation du redressement judiciaire24, à l'augmentation de
capital forcée ou à la cession forcée de droits sociaux pouvant être ordonnées désormais pour permettre le redressement des grandes entreprises25,
le but est le même. Ces mécanismes ont été créés afin de passer outre le
refus de l'assemblée de voter une restructuration en faveur « d'une ou plusieurs personnes » qui se sont engagées à « exécuter »26 le plan, autrement
dit, le plus souvent, en faveur des créanciers27. A priori, belle victoire du
droit de l'entreprise en difficulté sur la liberté de l'associé d'exercer son
droit de vote et son droit de rester associé !
Pourtant, les difficultés pratiques engendrées par cette technique sont considérables. Il y a pléthore de silences28 et formules imprécises. Que penser, par
exemple, de la distinction entre créanciers et tiers, désignés (par coups de
renvoi) comme les bénéficiaires de la conversion « forcée » créée par la loi
Macron ? L'associé titulaire d'un compte courant d'associé pourrait-il s'en
prévaloir ? Sans parler des incertitudes strictement techniques liées, entre
autres, à la résolution du plan29. Au-delà, la philosophie même de ce mécanisme prête à discussion, quand on considère la légèreté avec laquelle le
législateur l'a introduit, sans tenir le moins du monde compte des réalités,
très complexes, qui attendent les créanciers endossant la qualité d'associés.
Dupés peut-être par l'espoir d'un « dividende symbolique »30, ces créanciers
21. V. p. ex., « Le traitement des difficultés de l'entreprise à l'épreuve des droits de l'actionnaire :
propriété économique et propriété juridique, qui doit financer la restructuration ? » (dir.
F.-X. LUCAS), BJED sept. 2013, p. 332, nº 110k2.
22. V. C. com., art. L. 626-30-2, L. 626-32, L. 631-9-1, L. 631-19.
23. V. p. ex., C. com., art. L. 626-3.
24. C. com., art. L. 631-9-1, créé par ord. 12 mars 2014 et mod. L. nº 2016-1547, 18 nov. 2016.
25. C. com., art. L. 631-19-2, créé par L. 6 août 2015.
26. Notons l'heureuse correction par la loi du 18 novembre 2016 de l'article L. 631-9-1, remplaçant le terme « respecter » par « exécuter ».
27. V. p. ex., I. PARACHKÉVOVA, « L'augmentation de capital forcée dans la loi Macron », BJS oct.
2015, p. 529, nº 114d3.
28. Par ex., est-ce que l'associé privé de droit de vote conserve son droit de « participer » à la
décision ?
29. V. A. BRUNET, A. GHOZI, « Société en difficulté : la transformation des créances en participation
au capital », in Mélanges Michel Germain, LexisNexis - LGDJ Lextenso, 2015, p. 201.
30. Ibid.
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