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252 LA MOBILITÉ DES SOCIÉTÉS DANS L'UNION EUROPÉENNE

de dire que le train dans lequel le législateur européen a enfin sauté est en
marche depuis quelque temps déjà. Il était véritablement urgent que les
choses changent. Mais pour sa défense n'oublions pas, d'une part, que le
processus législatif au niveau européen est toujours lent car il impose de
réunir un consensus minimal acceptable par les États membres ; d'autre
part, ne feignons pas d'ignorer le gouffre qui peut exister entre États membres en la matière. En effet, il semblerait que seuls 17 d'entre eux disposent
de processus d'immatriculation de société intégralement en ligne5. Un certain nombre d'États membres, parmi lesquels la France mais aussi les états
baltiques, sont très avancés en matière de constitution d'une société en
ligne. Ainsi, dans ces pays, le sujet de la digitalisation tel qu'adopté par la
directive (UE) 2019/1151 du 20 juin 2019 modifiant la directive (UE)
2017/1132 en ce qui concerne l'utilisation d'outils et de processus numériques en droit des sociétés (ci-après « directive digitalisation ») est, à vrai
dire, un non-sujet6. Le législateur français pourra simplement saisir l'opportunité de la transposition pour élargir la digitalisation à d'autres domaines.
Rappelons que la loi nº 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la
transformation des entreprises (Pacte) a habilité le gouvernement à adopter par voie d'ordonnance « un registre général dématérialisé des entreprises précisant la nature de leur activité, notamment artisanale ou agricole, et
ayant pour objet le recueil, la conservation et la diffusion des informations
concernant ces entreprises et de déterminer le régime juridique applicable
à ce registre »7 et de simplifier leurs obligations déclaratives. Cette ordonnance n'a pas encore été adoptée, le législateur ayant jusqu'au 22 mai 2021
pour ce faire.
D'autres États membres se montrent davantage attachés au papier, aux tampons officiels, à la présence physique et imposent beaucoup de patience
pour la moindre démarche administrative. C'est dans ces pays que la directive digitalisation provoquera un véritable séisme et permettra de les propulser vers la modernité numérique. Enfin, certains États, comme l'Allemagne, se montrent par tradition relativement méfiants à cet égard : une
société ne peut être immatriculée sans le contrôle et l'aval d'un notaire ou
d'un avocat. Pour eux, le challenge sera d'adapter suffisamment leurs systèmes pour embrasser la digitalisation, sans renoncer à leurs traditions8. De
ce fait, des différences subsisteront en termes de rapidité et de coûts de la
5. L. IDOT « À propos du récent "paquet en droit des sociétés" », Europe nº 6, juin 2018, alerte 39 ;
v. « Étude d'impact SWD (2018)141 final », 25 avr. 2018, p. 14.
6. C.-M. BÉNARD, « Proposition directive du Parlement et du Conseil du 24 avr. 2018 sur l'utilisation d'outils et de processus numériques en droit des sociétés - Immatriculation en ligne »,
Revue de jurisprudence commerciale, janv.-fév. 2019, nº 1, p. 63.
7. Art. 2 loi Pacte.
8. J. LIEDER, « Digitalisierung des Europäischen Unternehmensrechts », NZG 2018, p. 1087.

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