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Abus de marché 111h1 Interprétation du principe non bis in idem confirmée par la Cour de Strasbourg : la fin annoncée de la double répression des infractions boursières... 111h1 L'ESSENTIEL Par un arrêt du 4 mars 2014, la Cour EDH vient de réitérer, en la précisant, son interprétation du principe non bis in idem. En censurant la réserve faite par l'Italie, et en la condamnant à l'unanimité pour violation du principe, cet arrêt révèle de manière certaine la contrariété de la position de la Cour de cassation et de notre droit interne à la Convention EDH. Il doit constituer le point de départ d'une réflexion sur une profonde évolution du droit répressif financier. CEDH, 4 mars 2014, no 18640/18, Grande Stevens et a. c/ Italie NOTE La Cour européenne des droits de l'Homme (Cour EDH) vient d'apporter un criant démenti à la toute récente réitération de la position de la Cour de cassation relative à la conventionalité de notre droit répressif boursier, à l'égard du principe non bis in idem en droit européen 1. Les grandes questions contemporaines du droit financier se rejoignent car c'est au terme d'une affaire qui trouve sa source dans l'utilisation de dérivés sur actions, destinée à permettre la préservation occulte de la puissance de vote d'un investisseur, que le modèle répressif français se trouve irrévocablement menacé d'inconventionalité. Par un arrêt du 4 mars 2014 2, la Cour de Strasbourg a en effet condamné l'Italie au titre d'une violation de l'article 4 du Protocole additionnel n° 7 à la Convention EDH, dans le cadre des suites de l'affaire Fiat-Exor 3. L'un des actionnaires du fabricant automobile avait entrepris de prévenir les conséquences d'une augmentation du capital réservée à des banques, en maintenant son niveau de participation par effet du dénouement «  physique  » d'equity swaps initialement exigibles par paiement d'un différentiel. Poursuivis et administrativement sanctionnés par le régulateur italien, la Commissione nazionale per le società e la Borsa, au titre de la diffusion de fausses informations, l'investisseur et ses représentants et conseils avaient parallèlement fait l'objet de poursuites pénales, suite à dénonciation des faits au Parquet par le régulateur, réalisée sur la base d'une disposition analogue à celle de l'article L. 621-15, I, du Code monétaire et financier 4. Estimant que les poursuites pénales amorcées à la suite de la sanction administrative contrevenaient au principe non bis in idem, les prévenus avaient formé un recours devant la 1 Cass., crim., 22 janv. 2014, n°  12-83579, PB, sur lequel, v. supra notre note n° 111g5. 2 CEDH, 2e Sect. n° 18640/10, 18647/10, 18663/10 et 18698/10, Grande Stevens et autres c. Italie. 3 Sur laquelle, entre autres, le Rapport sur les déclarations de franchissement de seuil de participation et les déclarations d'intention du groupe de travail présidé par Bernard Field, oct. 2008, p. 5-7 ; S. Plais, « Franchissement de seuils : doit-on prendre en compte les « intérêts économiques » ? », in Mélanges AEDBF - France V, Rev. Banque édition, 2008, p. 364-365. 4 Art. 187 decies, §2, du décret législatif du 24 février 1998, n° 58. Bulletin Joly Bourse * Avril 2014 Cour de Strasbourg, alors même que l'instance pénale était encore pendante dans le cadre de leur « recours » en cassation 5. Ils invoquaient divers griefs d'inconventionalité de la procédure suivie, au nombre desquels figuraient, outre des violations du droit au procès équitable de l'article 6, § 1 6, et du droit au respect des biens 7, une violation de l'article 4 du Protocole n° 7 qui proclame l'interdiction du non bis in idem. Ce grief a été accueilli à l'unanimité par la Cour, selon un raisonnement qui ne laisse plus guère de place au doute quant à la contrariété de notre dispositif interne à l'interdiction du cumul des poursuites et sanctions administratives et pénales en droit financier. Si l'arrêt de la chambre criminelle avait pour portée essentielle de retenir, selon des motifs discutables, la conventionalité du modèle français à l'égard de l'article 50 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne 8, celui-ci n'en avait pas moins réitéré sa position à l'égard de l'article 4 du Protocole additionnel à la Convention EDH, en procédant par adoption de motifs. Une telle position ne paraît plus tenable. L'arrêt Grande Stevens révèle de manière évidente la contrariété virtuelle du droit français au principe du non bis in idem, du fait de l'interprétation donnée de sa teneur (II), comme de l'absence de validité de la réserve faite par l'Italie (I). I. L'invalidation de la réserve Le dispositif français de cumul des poursuites et sanctions en matière boursière est actuellement protégé par la Cour de cassation, selon une justification qui ne résiste plus à la confron5 En procédure civile italienne, le pourvoi en cassation est désigné comme « ricorso per cassazione » (CPC It., art. 360 et s.). 6 Caractérisées à l'égard du principe d'égalité des armes et de la nécessité d'une audience publique permettant une confrontation orale (§ 123) et à l'égard du défaut d'impartialité objective de la CONSOB du fait que le bureau Insider trading ayant conduit les enquêtes et les autres services en cause constituaient « les mêmes branches du même organe administratif, agissant sous l'autorité de supervision d'un même Président » (§ 137), les requérants n'ayant pas, en outre, disposé d'un recours devant des tribunaux de pleine juridiction (§ 148-155). 7 Non retenue en l'espèce, les mesures d'exécution appliquées aux requérants étant nécessaires au recouvrement des amendes prononcées au titre de sanctions légales (§ 200). 8 V. notre note préc. 209

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