Revue - Bulletin Joly Sociétés septembre 2017 - Actualité du registre du commerce - 11

Actualité du registre du commerce et des sociétés (2016-2017)

fondamentaux garantis par la charte des droits fondamentaux
de l'Union européenne, et particulièrement le droit au respect
de la vie privée (art. 7) et le droit à la protection des données à
caractère personnel (art. 8). La Cour relève que le traitement
des données effectué dans le cadre de la tenue du registre des
sociétés répond toutefois à plusieurs motifs de légitimation, à
savoir être effectué en vertu d'une prescription légale, par une
autorité publique, dans l'exercice de prérogatives de puissance
publique 21 et pour une mission d'intérêt public (pts 42-43
de l'arrêt). Cet intérêt public est celui de la sécurité juridique
dans les rapports de la société avec les tiers, lesquels doivent
bénéficier d'une information pertinente sur les dirigeants des
sociétés par actions, ou à responsabilité limitée, qui n'offrent
comme garantie de leurs engagements que leur patrimoine
social (pts 49-51 de l'arrêt).
S'agissant de la question qui lui était posée, à savoir l'effacement des données personnelles d'identification des dirigeants
après la cessation d'activité ou la dissolution de la société, la
Cour observe que la directive n° 68/151/CEE ne contient
aucune précision à ce sujet et que, même après la dissolution
d'une société, des droits et des relations juridiques relatifs
à celle-ci peuvent subsister. En l'absence de délai uniforme
de prescription dans les différents États membres, il paraît
impossible à la Cour d'identifier un délai unique, à l'expiration duquel l'inscription desdites données dans le registre et
leur publicité ne serait plus nécessaire. De surcroît, il convient
de ne pas oublier qu'en France, il existe également plusieurs
délais de prescription pour permettre aux tiers lésés de poursuivre et qu'à cet égard, c'est donc de multiples délais dont il
est question au sein de chaque pays qui s'ajoutent à la diversité existant entre les pays de l'Union européenne.
La Cour décide donc que « les États membres ne sauraient
(...) garantir aux personnes physiques (...) le droit d'obtenir
par principe après un certain délai à compter de la dissolution
de la société concernée l'effacement des données à caractère
personnel les concernant, qui ont été inscrites au registre »
en application des normes nationales transposant la directive
n° 68/151/CEE codifiée par la directive n° 2009/101/CE
(pt. 56 de l'arrêt). Il est intéressant à cet égard de noter que
le droit à l'effacement ne s'applique qu'aux seules personnes
physiques.
Il s'agit là du point essentiel de l'arrêt. En effet, la directive
de 1995, dont relevaient les faits de la cause, a été abrogée et
remplacée par le règlement (UE) n° 2016/679 du Parlement
européen et du Conseil, dit RGPD, lequel sera applicable
à partir du 25 mai 2018. Ce nouveau règlement consacre
notamment, en son article 17, un « droit à l'effacement » des
données personnelles ayant fait l'objet d'un traitement, aussi
appelé « droit à l'oubli ». La CJUE ne pouvait statuer formellement sur les dispositions de ce nouveau texte, pour des raisons de droit applicable à la cause, mais elle a eu l'intelligence
de répondre expressément à la question du droit à « l'effacement » (expressis verbis) des données personnelles contenues

dans le RCS, en se fondant explicitement sur des critères qui
sont ceux du nouveau règlement. En effet, ce droit d'obtenir l'effacement des données personnelles, est non seulement
conditionnel, en ce sens qu'il suppose que différentes conditions soient réunies (art. 17, 1), mais il s'efface lui-même
lorsque le traitement est notamment nécessaire « pour respecter une obligation légale qui requiert le traitement prévue par
le droit de l'Union ou par le droit de l'État membre auquel le
responsable du traitement est soumis, ou pour exécuter une
mission d'intérêt public ou relevant de l'exercice de l'autorité publique dont est investi le responsable du traitement »
(art. 17, 3, b). Or, c'est très précisément sur la base de ces
trois critères cumulés que la Cour de justice de l'Union européenne a pris sa décision, ce qui lui donne une force et une
portée importante pour l'avenir.
La Cour prend soin de préciser qu'il ne s'agit pas d'une ingérence disproportionnée dans les droits fondamentaux des
personnes concernées (pt. 57 de l'arrêt), car la publicité ne
concerne qu'un nombre limité de données à caractère personnel, à savoir celles tenant à l'identité et aux fonctions respectives des dirigeants des sociétés concernées, dont les tiers ont
besoin d'avoir connaissance dans leurs rapports avec celles-ci.
Toutefois, elle apporte une nuance finale à sa décision, qui
figure expressément dans le dispositif et contribue à sa pertinence. Il « appartient aux États membres de déterminer si
les personnes physiques », inscrites au registre des sociétés,
en qualité de dirigeants de sociétés commerciales, « peuvent
demander à l'autorité chargée de la tenue (..) (dudit) registre,
de vérifier, sur la base d'une appréciation au cas par cas, s'il est
exceptionnellement justifié, pour des raisons prépondérantes
et légitimes tenant à leur situation particulière, de limiter, à
l'expiration d'un délai suffisamment long après la dissolution de la société concernée, l'accès aux données à caractère
personnel les concernant, inscrites dans ce registre, aux tiers
justifiant d'un intérêt spécifique à la consultation de ces données » (dispositif de l'arrêt). Une évolution du droit interne
est donc possible et même souhaitable en ce sens.
J.-M. B. et P. E.

21 V. déjà : CJUE, 12 juill. 2012, n° C-138/11, Compass-Databank.

22 BJS mars 2017, n° 116c5, p. 190, note Mélin F.

Bulletin

Joly

Sociétés

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Septembre

Étendue du contrôle de régularité d'un acte
de cession de parts sociales déposé au RCS
Quelle est l'étendue du pouvoir de contrôle de régularité du
greffier, et partant du juge commis à la surveillance du RCS,
lors du dépôt d'un acte de cession de parts sociales ? Une décision de la chambre commerciale de la Cour de cassation vient
d'apporter un éclairage intéressant sur cette question (Cass.
com., 29 nov. 2016, n° 15-13396 22).
Une société A possédait 75 % des parts sociales d'une
société B, placée en redressement judiciaire, et cède, après le
jugement d'ouverture de la procédure collective, l'ensemble
de ses titres à une société C, dont le représentant légal est le
même que celui de la société cédante. Toutefois, cette per-

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