Le droit au miroir des cultures. Pour une autre mondialisation-1 - 10

10 Le Droit au miroir des cultures. Pour une autre mondialisation — La seconde question, quant à l’universalité du savoir que nous produisons, est toute aussi affolante par l’ampleur du défi. En 2007, je posais la question : peut-on encore se référer à une démarche anthropologique, entendue comme la science de l’homme, lorsqu’on pousse jusqu’au bout la critique des travaux du LAJP formulée par Robert Vachon. Ce dernier remarquait sur la base de travaux des années 1990 que nos théorisations « sur le “droit”, les “ordonnancements sociaux”, “l’universalisme”, apparaissent comme problème commun à toutes les civilisations uniquement à partir de notre fenêtre culturelle. (…) Le point de référence (…) n’est pas universel si le regard qu’on porte sur lui vient du dehors. De l’intérieur, on prend le cadre pour le tout mais de l’extérieur, on a son propre cadre, sa propre fenêtre1. » Ce reproche d’ethnocentrisme que formule à mon encontre l’ancien directeur de l’Institut Interculturel de Montréal me paraît recevable dans la mesure où nul n’est immunisé contre l’ethnocentrisme, cette autre maladie infantile de la recherche comparative et que ces paradigmes ont, depuis une dizaine d’années, beaucoup évolué dans le sens désigné par Robert Vachon. Il fait sentir l’extrême tension qui existe entre ce que le philosophe Raimon Panikkar, souvent cité dans l’ouvrage et un des autres inspirateurs de la démarche de Christoph Eberhard, qualifie d’universalité requise et d’universalité acquise. Si on va au bout du raisonnement, ne doit-on pas considérer cette science de l’homme, l’Anthropologie, dont se réclame l’auteur, comme une illustration du regard jeté à partir de la fenêtre de la science occidentale ? Et elle seule doit-on souligner. Car, comme le montre assurément R. Panikkar, le véritable pluralisme philosophique doit intégrer les principales visions du monde qui privilégient respectivement le cosmos, le divin ou l’humain. Alors, ne doit-on pas remplacer notre anthropologie par ce que Panikkar dénomme une « Cosmo-théo-andrie » appliquée au D/droit ou de son équivalent telle la juridicité ? Ce faisant, n’abandonnerons-nous pas en route tant nos lecteurs que la référence à la science et à ses exigences ? Jusqu’où peut-on pousser l’interculturalité dans le champ des connaissances si on doit reconnaître que la science n’apparaît qu’à partir d’une fenêtre plus ou moins étroite ? 1. Robert VACHON, « Au-delà de l’universalisation et de l’interculturalisation des droits de l’homme, du droit et de l’ordre négocié », Bulletin de liaison du Laboratoire d’Anthropologie Juridique de Paris, n° 25, p. 9-19 (10).

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