Le droit au miroir des cultures. Pour une autre mondialisation-1 - 102

102 Le Droit au miroir des cultures. Pour une autre mondialisation un certain « forum shopping », et même vers la coexistence reconnue de divers champs sociaux semi-autonomes pour reprendre l’expression de Sally Falk Moore (1983 : 54 sq.) et la possibilité d’aller de l’un à l’autre pour régler les litiges. Le cas met aussi en évidence l’importance de modèles de conduite et de comportement tirés du modèle du Bouddha et de ses enseignements, mais aussi de ceux provenant de sagesses locales. Les codes, qui sont plutôt des recueils prudentiels que des recueils de normes, coexistent avec des légendes, des fables et des proverbes, l’oralité avec l’écriture. L’essentiel ce sont les modèles de conduite et de comportement véhiculés qui sont partagés par tous. Le souci d’harmonisation des rapports sociaux et la pacification sont au cœur du système. Le plus important n’est pas de régler des situations en conformité avec des normes générales, impersonnelles et intemporelles, mais en conformité avec la vérité de chaque situation qui apparaît comme étant toujours forcément particulariste. Le droit à lui seul ne peut pas redresser un individu ou créer l’harmonie dans une communauté. Il faut pour cela la pratique des vertus bouddhistes et la réalisation de la nature illusoire du monde (French, 1995 : 91). Le règlement du différend par les parties ellesmêmes en accord avec l’éthique bouddhiste est toujours préféré à d’autres solutions. Le principe de l’autorité de la chose jugée est étranger à cette vision du Droit. Si une mésentente subsiste après le règlement d’un litige cela signifie que l’on n’est pas parvenu à la vérité du cas, que le problème n’a pas été réglé. On n’hésitera donc pas à « rouvrir » l’affaire, qui tant qu’elle ne s’est pas dissoute n’a en fait jamais été fermée ou « réglée ». Les décisions sont axées plutôt sur le présent et le futur que sur le passé. Il s’agit moins de prouver des droits passés que de parvenir à une solution satisfaisante dans le cas présent qui assurera l’harmonie pour le futur. Cette harmonie ne se résume pas à celle entre les deux parties. Elle inclue également leurs familles, leurs communautés, leurs villages, leurs régions et ceci autant dans les mondes visibles qu’invisibles – le rétablissement de l’harmonie comporte même une dimension cosmique. On évite d’ailleurs d’entrer trop facilement et trop ouvertement en conflit car ceci risquerait de créer une disharmonie qui pourrait se révéler préjudiciable pour soi-même et son entourage. Les différents niveaux juridiques du système tibétain traditionnel et de leurs relations sont particulièrement intéressants pour nos réflexions sur la pyramide et le réseau. Ils ne relèvent pas

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