Le droit au miroir des cultures. Pour une autre mondialisation-1 - 103

Chapitre 3  Approches de visions amérindienne et tibétaine du Droit. À la découverte du cercle tous, loin s’en faut, de ce que nous appellerions le « droit officiel ». Le système tibétain reconnaît explicitement divers droits concurrents à celui du gouvernement central. Par rapport à nos représentations, la « pyramide » tibétaine se retrouve même sur la tête, ce qui est lié à la représentation du mandala au centre duquel se trouve l’esprit de l’individu qui rejoint « l’esprit cosmique ». Le centre du système juridique tibétain, autour duquel tout gravite et s’organise, est constitué par l’esprit de l’individu, sem (French, 1995 : 75). Et le premier niveau juridique était celui de l’individu qui était gouverné par autorégulation ou par sa propre loi. « Rongtim, ‘un examen de soi-même par rapport à ses attributs et compétences’ était compris par les tibétains comme auto-régulation morale ou comme l’effort de suivre les préceptes moraux bouddhistes autant dans les sphères religieuses que séculières de sa vie. » (French, 1995 : 164). Le deuxième niveau, mais le premier où se produisaient et étaient résolus des litiges, était celui de la maisonnée, de la famille, khim tsang rimpa, qui étaient réglées « entre soi », « par le père », « par un ami » ou « par un voisin ». On essayait autant que possible de garder les conflits à ce niveau interne selon le proverbe « Une plaie dans la bouche est mieux guérie dans la bouche. » Les règlements internes pouvaient faire appel à toute une variété de procédures juridiques. Mais quelle que soit la personne qui réglait le conflit, même si c’était un haut fonctionnaire du gouvernement, le cas était considéré comme du niveau de la maisonnée (French, 1995 : 164-165). Le prochain niveau était dong rimpa, celui de la « communauté » ou du « village », ou en ville du « bloc de maisons ». Ici aussi, on avait le plus souvent recours à des procédures de conciliation qu’à des procédures légales gouvernementales. Au quatrième niveau, on trouve les associations, kyiduk dang tsopka, qui jouaient le rôle le plus important d’interconnexion de réseaux d’individus au Tibet. Ces associations, qui pouvaient être ethniques ou religieuses, qui étaient des guildes, des sociétés d’entraide etc. constituaient des unités sociales bien délimitées qui jouaient un rôle important pour régler les conflits entre leurs membres et agissaient pour leurs membres et les représentaient pour l’extérieur (French, 1995 : 166, 167). Le prochain niveau était celui des municipalités, dongkir rimpa, et comprenaient plusieurs villages ou communautés, souvent administrées par des monastères. Elles créaient leurs propres droits locaux et la tête de la municipalité ou le conseil détenant le pouvoir judiciaire avait une grande latitude pour décider des cas et pour imposer des

Le droit au miroir des cultures. Pour une autre mondialisation-1

Table des matières de la publication Le droit au miroir des cultures. Pour une autre mondialisation-1