Le droit au miroir des cultures. Pour une autre mondialisation-1 - 116

116 Le Droit au miroir des cultures. Pour une autre mondialisation mes renvoient pour nous à des problématiques des droits de l’homme, et qu’elles peuvent y être rattachées puisque le discours des droits de l’homme fait aussi partie de la réalité indienne, il n’en demeure pas moins que fondamentalement elles ne posent pas les questions en ces termes mais plutôt en termes de dharma/karma 9 à partir d’une vision plus cosmo- et théocentrée qu’uniquement anthropocentrée 10. Loin d’être figées, les notions de karma/dharma se trouvent d’ailleurs réinterprétées à travers les discours égalitaires véhiculés par les droits de l’homme et toute la politique séculaire indienne – ou peut-être serait-il plus juste de constater qu’il y a une réinterprétation mutuelle de ces notions/ symboles, le centre de gravité demeurant dans la conscience populaire indienne ancrée dans les conceptions indiennes traditionnelles 11. Selon R.S. Khare (1998a : 179-180), « La culture populaire trouve les problèmes de la justice et de l’injustice profondément reliés au karma et au dharma. Cependant la relation est loin d’être simple et inconditionnelle dès lors qu’on l’examine en rapport avec les besoins et les quêtes quotidiennes des gens. Dans l’idéologie traditionnelle hindoue, le karma et le dharma forment la base complète et indiscutable pour la justice et l’injustice rencontrées dans la vie. Karma et dharma sont ainsi considérés comme fondement de la justice. Dans la vie cependant, la quête pour la justice, ou du moins l’esquive d’une injustice intolérable, prend une tournure plus urgente et plus pratique. Sauf si c’est complètement sans espoir, les gens soit se révoltent, soit fuient la situation insoutenable. Ils font quelque chose pour remédier à la situation. Et ils le font comme faisant partie de leur dharma, car se ou guerriers, suivis des Vaisha, les marchands qui constituent les « deux fois nés » qui ont accès aux Véda. Puis viennent les Shudra, les serviteurs ou gens de peu. Il existe encore une autre catégorie, hors varna, plus basse et impure encore : les Intouchables (voir Dumont Louis, 1995 : 93 ; Fuchs, 1999 : 52 sq.). Répertoriés comme scheduled castes, ils représentent environ 16,5 % de la population indienne, soit plus de 160 millions de personnes. Outre le fait d’être « idéologiquement les plus bas » ce sont aussi ceux qui se retrouvent socialement et économiquement dans les situations les plus précaires et les plus exploitées. 9. Voir pour des définitions Lingat1967 ; Rocher, 1978 ; Eberhard, 2002a : 165 sq., 10. Pour une discussion plus théorique sur les droits de l’homme et l’hindouisme voir Panikkar, 1984b ; Vachon, 1991b ; Nanda, 1995. Sur la question du féminisme en Inde voir Menon, 2001 ; Haase-Dubosc et al. 2002. 11. Le lecteur qui n’est pas familier avec le monde indien et ses dynamiques socio-juridiques pourra se reporter à Annoussamy, 2001 ; Galanter, 1994 ; Menski, 2003.

Le droit au miroir des cultures. Pour une autre mondialisation-1

Table des matières de la publication Le droit au miroir des cultures. Pour une autre mondialisation-1