Le droit au miroir des cultures. Pour une autre mondialisation-1 - 149

Chapitre 5  Des confins au cœur du Droit. Enjeux des « pratiques alternatives du Droit » 149 se faire reconnaître des lieux de vie, en passant par les conflits liés à l’élevage, à l’agriculture et aux relations entre éleveurs et agriculteurs, les réactions face aux réformes agraires, les expropriations et déplacements forcés etc. À cette hétérogénéité s’ajoute celle de la diversité des situations et la spécificité des pratiques alternatives du Droit dans les diverses aires géographiques illustrées dans le document par L’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale, le Maghreb, l’Amérique latine, l’Asie du Sud et du Sud-Est et l’Europe (surtout la France – pour tout ce qui précède voir Huyghebaert, 2000 : 105-107). Toutes ces expériences constituent-elles véritablement un ensemble cohérent de phénomènes ? Ou parler des « pratiques alternatives du droit » n’est-il pas encore une fois une manière de tomber dans le fameux piège de l’« englobement du contraire » (Dumont, 1991 : 140-141) 3 que nous avons déjà rencontré à maintes reprises ? Au lieu d’appréhender la diversité des situations dans leur originalité, on les englobe dans une catégorie générale et on les construit ensuite par rapport au référent implicite de cette catégorie – ce dernier étant de plus perçu comme hiérarchiquement supérieur. Dans le cas présent, c’est le « droit », sous-entendu le « droit étatique », qui constitue la catégorie englobante. Les pratiques alternatives de ce droit sont alors définies avant tout par rapport à leur « déviation » du modèle général. Ceci rappelle les analyses dans le domaine économique du « secteur informel » mais qui se révèle dans certains contextes bien plus riches que le secteur « formel ». La question se pose alors : parler de « pratiques alternatives du droit » ne nous enferme-t-il pas dans une définition négative qui empêche en dernière analyse l’émergence d’approches véritablement alternatives (au sens fort) au modèle du droit dominant, étatique et moderne ? Car tant que l’on parle de « pratiques alternatives du droit » ne reste-t-on pas dans le mythe de la « suprématie du droit », au moins au sens que l’on accepte implicitement que le « droit » est ce qui régule en dernière analyse notre vivre ensemble 4 ? S’il s’agira d’approfondir cette 3. Pour des développements plus poussés sur les pièges épistémologiques inhérents au principe de l’englobement du contraire dans le domaine des sciences humaines voir Eberhard, 2002b : 100 sq. 4. Il peut être pertinent de préciser ici qu’en tant qu’anthropologue du Droit nos réflexions sur le Droit sont largement influencées par les nombreuses expériences non-occidentales où, malgré les discours dominants, le droit moderne joue un rôle de loin moins central que dans les sociétés occidentales « développées ».
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