Le droit au miroir des cultures. Pour une autre mondialisation-1 - 150

150 Le Droit au miroir des cultures. Pour une autre mondialisation piste, les choses sont néanmoins plus complexes. Les pratiques alternatives du droit ne se construisent pas uniquement de manière négative comme le laisse présupposer l’analyse sémantique du terme. Ils renferment un contenu positif qui permet de les identifier. L’une de leurs caractéristiques est de remettre en question le monopole sur le « juridique » du droit entendu au sens formel ou droit étatique, voire même dans ce domaine limité, du monopole qu’en aurait une catégorie particulière de citoyens, les juristes. L’expérience de Juristes-Solidarités enseigne que les pratiques alternatives du droit partagent toutes la visée de provoquer et de contribuer de manière plus ou moins délibérée à un changement d’attitude des plus démunis par rapport à la loi afin que ces derniers passent d’une attitude légaliste passive à une attitude légitimiste active. Dans le premier cas, l’individu considéré et se considérant comme incompétent subit le droit élaboré en dehors de lui. Dans le second, la personne apprend à connaître le droit, le rapporte à son quotidien, l’utilise, participe à son évolution : elle se l’approprie. (Huyghebaert, 2000 : 105-107) 5. Il faut souligner que si l’on prend une perspective globale, les « démunis » forment, non pas l’exception, mais plutôt la règle dans le monde contemporain 6. Réfléchir aux pratiques alternatives du Droit ne mène donc pas simplement à la « périphérie des systèmes juridiques » mais plutôt au cœur du mystère de la reproduction de nos vies en société. Outre des enjeux théoriques ceci entraîne des implications politiques importantes par rapport aux choix des « projets de société » 7 pour ce vingt-et-unième siècle. Jean Designe, fondateur de l’association Juristes – Solidarités, les résume parfaitement. Pour lui, « (Les) pratiques alternatives qui partent des gens concernés (associations de quartier en milieu urbain, communautés en zones rurales) et de leurs préoccupations, comprennent d’abord l’infor5. Voir aussi l’entrée à « Alternatif (Usage – du droit) » dans le Dictionnaire Encyclopédique de Sociologie et de Théorie du Droit, Paris, LGDJ, 1993. 6. Ce qui souligne l’importance aujourd’hui de nous engager dans une « hétérotopie » comme l’appelle de ses vœux de Sousa Santos (1995 : 479 sq.), dans un décentrement épistémologique des « centres » vers les « périphéries ». Voir aussi dans ce sens de Sousa Santos 2004 et 2007 ; de Sousa Santos, Rodriguez- Garavito, 2005 ; Esteva, 1993 ; Esteva, Prakash, 1998 et Vachon, 1990b. Pour la problématique des droits de l’homme si on prend en compte le problème de la pauvreté voir Eberhard, 2005c ; Malak El-Chichini Poppovic, Paulo Sérgio Pinheiro, 1996. 7. Pour mes réserves quant à l’utilisation de l’expression « projets de société » voir Eberhard, 1999a : 16-17.

Le droit au miroir des cultures. Pour une autre mondialisation-1

Table des matières de la publication Le droit au miroir des cultures. Pour une autre mondialisation-1