Le droit au miroir des cultures. Pour une autre mondialisation-1 - 156

156 Le Droit au miroir des cultures. Pour une autre mondialisation tement défendre leurs droits, le recours à des avocats classiques présente des risques et des inconvénients : bien sûr, le coût Mais surtout, en prenant la défense de leurs clients, ils les privent de la capacité de mobilisation, les dépossèdent de leur propre défense, les rendent dépendants d’eux et d’une logique juridique où trop souvent leurs droits n’ont pas leur place. En outre, rares sont les avocats prêts à défendre des causes difficiles ( ) Il est pourtant bien difficile de ne pas faire appel à eux quand on se trouve face à des systèmes juridiques non seulement abstraits et complexes, comme ils le son tous, mais en outre s’exprimant, dans presque tous ces pays d’Asie, dans une langue que les plus pauvres ne maîtrisent pas : l’anglais. » Cette première catégorie de pratiques alternatives du droit qui reste inscrite dans le cadre du droit positif et du « droit des juristes » lance un premier défi aux approches positivistes du droit : rien n’oblige d’aborder le droit comme un simple instrument de gestion rationnelle des sociétés entre les mains de professionnels et de spécialistes (voir Eberhard, 1999a). Cette image ne correspond pas à la pratique effective du Droit telle qu’elle apparaît dès lors que l’on intègre un point de vue plus sociologique ou anthropologique à l’approche purement juridique. Le caractère « responsable » et « citoyen » que peut revêtir une pratique du droit se fait jour à tous les niveaux si l’on accepte de faire du droit son affaire et de ne pas déléguer ses responsabilités à d’autres, que ce soit les professionnels en ce qui concerne les utilisateurs, « l’État » ou « les textes » en ce qui concerne avocats et juges, et la « Grundnorm » ou la Constitution et ses principes transcendants en ce qui concerne le législateur. Peut-être que si tous prenaient le droit au sérieux, on pourrait s’acheminer vers un « jeu du droit » où « créateurs » (législateur), « appliqueurs » (magistrats et avocats) et « utilisateurs » de droit pourraient tous jouer un rôle important en négociant ensemble les modalités du vivre-ensemble 13 ? Cette vision de prise en main responsable du Droit par tous n’est pas un sim13. D’ailleurs, d’après notre exposé, la division en « créateurs », « appliqueurs » et « utilisateurs » du droit n’est, dans une certaine mesure, pas tout à fait adéquate. Elle révèle encore d’une vision pyramidale d’un droit menant du créateur à l’utilisateur. Or l’image qui semble apparaître est beaucoup plus celle de hiérarchies enchevêtrées où les différents niveaux interagissent ou de réseaux où la pertinence de distinction en niveaux hiérarchiques est remise en question (voir Ost et van de Kerchove, 2000), voire même, comme nous l’approfondiront dans la perspective anthropologique, d’un grand « jeu des lois » (Le Roy, 1999).
Le droit au miroir des cultures. Pour une autre mondialisation-1

Table des matières de la publication Le droit au miroir des cultures. Pour une autre mondialisation-1
