Le droit au miroir des cultures. Pour une autre mondialisation-1 - 162

162 Le Droit au miroir des cultures. Pour une autre mondialisation vent mener à une contestation de l’ordre établi. C’est à travers toutes ces cases qu’on en arrive finalement aux règles du jeu dans le domaine du foncier qui sont autant constituées de normes générales et impersonnelles, que de modèles de conduite et de comportements que d’habitus ou systèmes de dispositions durables selon Bourdieu. Car comme le montrent les analyses contemporaines de l’anthropologie du Droit, le Droit ne repose pas sur un unique fondement, les normes générales et impersonnelles auxquelles nous avons tendance à le réduire dans les traditions civilistes. Il est tripode : le phénomène juridique est un processus continue qui s’approche à travers le jeu de ses trois pôles constitutifs énumérés ci-dessus (Le Roy, 1998 ; 1999 : 189 sq.). La prise en compte des « pratiques alternatives » est primordiale dans une telle démarche. En effet, dans le jeu foncier en Afrique on peut identifier trois pôles d’acteurs : l’État africain, les organisations locales de producteurs et les bailleurs de fonds internationaux (1996 : 215 sq.). Le jeu se joue entre ces trois acteurs, et bien qu’ils s’inscrivent tous dans des logiques différentes et qu’ils poursuivent tous des objectifs particuliers, on ne peut en ignorer aucun ou construire l’un d’eux a priori comme « mauvais joueur », comme on a souvent tendance à le faire avec l’État ou les bailleurs de fonds si l’on se situe dans des approches se voulant « alternatives » 18. La question posée de nos jours est de penser le ET dans toute sa complexité plutôt que d’opposer des réalités en postulant que l’une d’elles détient toute la vérité. Si de nombreux juristes ou « développeurs » survalorisent et idéalisent le rôle du droit et de la justice étatique, on constate que de nombreux penseurs alternatifs survalorisent les grassroots ou la « base », et en font une présentation idyllique qui fait abstraction d’une part des contextes modernes qui sont là et ont des effets réels et d’autre part de leur com- 18. Alain Karsenty (1996 : 228) note : « Devant certains discours visant à mettre l’État ‘hors jeu’, il est peut-être nécessaire de rappeler que l’État, lui aussi, peut avoir des objectifs légitimes : que ce soit la préservation de certaines ressources naturelles, l’augmentation de la production agricole pour approvisionner les villes, la recherche d’un équilibre dans l’aménagement du territoire ou simplement la rentabilisation de ses investissements (on pense notamment aux périmètres irrigués). Il est d’autre part illusoire de vouloir définir les axes d’une politique efficace en matière foncière ou de gestion des ressources naturelles, sans considérer l’État comme un acteur, ayant ses propres objectifs spécifiques, son ‘point de vue’ aussi légitime a priori qu’un autre acteur participant d’un système de représentation différent, voire concurrent. »
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