Le droit au miroir des cultures. Pour une autre mondialisation-1 - 18

18 Le Droit au miroir des cultures. Pour une autre mondialisation L’anthropologie, plus particulièrement, a comme l’une de ses visées principales de comprendre l’autre comme sujet, de comprendre ses actions en les reliant à ses autoreprésentations, à la perspective qu’il peut avoir sur elles (voir Kilani, 1994). Mais on ne saurait s’arrêter là. Comme le soulignait avec humour Cornelius Castoriadis (1992 : 228), « L’ethnologue qui a tellement bien assimilé la vue du monde des Bororos qu’il ne peut plus le voir qu’à leur façon, n’est plus un ethnologue, c’est un Bororo – et les Bororos ne sont pas des ethnologues. Sa raison d’être n’est pas de s’assimiler aux Bororos, mais d’expliquer aux Parisiens, aux Londoniens, aux New Yorkais de, 1965 cette autre humanité que représentent les Bororos. Et cela, il ne peut le faire que dans le langage, au sens plus profond du terme, dans le système catégorial des Parisiens, Londoniens, etc. Or, ces langages ne sont pas des ‘codes équivalents’ – précisément parce que dans leur structuration, les significations imaginaires jouent un rôle central. » L’anthropologue joue donc d’une part le rôle de traducteur. C’est un « passeur entre les mondes » comme le rappelait très à propos le titre du Liber Amicorum de Michel Alliot, l’un des pères fondateurs de l’anthropologie du Droit française (voir Le Roy É., J. 2000). Mais ce n’est pas tout. L’anthropologue du Droit essaye aussi dans le cadre des sciences sociales de donner des explications générales sur la mise en forme des sociétés et de leur reproduction. Il tente de révéler les réalités cachées en dessous des apparences, les « lois » sous-tendant les lois pour faire référence à la juristique d’Henri Lévy-Bruhl 12 (1955 : 33 sq.). Il vise à rendre plus intelligible les jeux et enjeux de la juridicité qui ne sont que très partiellement conscients aux acteurs eux-mêmes. Comme le soulignait Gaston Bachelard (1970 : 38), « Il n’y a de science que de ce qui est caché ». 13. Mais si les sciences sociales ont une visée de scientificité qui ne leur permet pas de s’arrêter aux points de vue internes, 12. Pour Henri Lévy-Bruhl (1955 : 40), la juristique est « l’étude des faits juridiques considérés en eux-mêmes, et sans préoccupation pratique ». Néanmoins cette science ne saurait être « pure » à l’instar de la Reine Rechtslehre, la théorie pure du droit de Hans Kelsen (1960). Il précise que « La méthode de la science du droit sera à la fois juridique, historique, comparative et sociologique. » (p 41). Voir aussi Alliot, 1983 ; Le Roy, 1990a. 13. Selon une distinction empruntée à Kenneth Pike (1967 cité dans d’Hertefelt, 1991 : 7-10) on peut ainsi dire que l’anthropologue ne peut s’arrêter au point de vue « émique », interne, mais doit le croiser avec le point de vue extérieur du chercheur, ou point de vue « étique ».

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