Le droit au miroir des cultures. Pour une autre mondialisation-1 - 180

180 Le Droit au miroir des cultures. Pour une autre mondialisation Le défi consiste alors à s’émanciper de l’univers de la globalisation autant au niveau descriptif que prescriptif 13. Cet univers découle d’un effet d’optique lorsqu’on envisage le monde comme un grand système 14 qui doit être géré de la manière la plus rationnelle possible en amenant tout le monde sur la voie du développement, durable ou à « visage humain », supposé apporter l’opulence généralisée et favoriser dans le processus la paix entre les peuples. Au-delà de l’économique et du systémique, c’est du « monde un » qu’il faut s’émanciper. Sa désignation comme « village global » n’est-elle pas une contradiction dans les termes ? Un village est par essence local et non global. C’est un lieu où les habitants qui se distinguent de ceux d’autres localités se connaissent, partagent des manières de voire et des manières de faire, de vivre ensemble. Le village global est une mystification qui fait miroiter à ceux qui sont aux centres du pouvoir que leur perspective (celle du « village du pouvoir ») correspond à celle de tous les habitants de la planète. La rhétorique exclut de fait les perspectives différentes. Celles-ci sont ignorées. Au mieux, elles sont considérées comme des reliques du passé qui doivent vite être dépassées, voire intégrées dans le « système » comme « folklore ». Or qui sait, peut-être vivons-nous plutôt dans un plurivers 15 que dans un univers ? Celui-ci n’est pas uniquement « postmoderne », ou plural dans le sens d’un éclatement des visions modernes de notre vivreensemble. Il découle du fait qu’il existe d’autres fenêtres que la fenêtre moderne pour regarder le monde. Les problématiques de la globalisation, du développement, de la gouvernance ou des droits de l’homme ne paraissent universelles qu’à partir de l’intérieur de notre vision du monde qui les construit comme telles. Mais, à l’instar d’autres perspectives culturelles qui peuvent nous paraître particularistes ou bornées, elle se révèle très relative dès lors qu’on la regarde à partir d’une autre fenêtre culturelle 16. Le (Rosenvallon, 2003 : 38). À la capacité réflexive de l’acteur risque alors de se substituer la dissolution de sa subjectivité dans une cohérence forcée prenant paradoxalement les accents de l’ouverture, de la participation et de l’accès au débat. » (Pitseys, 2005 : 254). 13. Voir Sachs, 1997b ; Panikkar, 1990c ; Esteva, Prakash, 1998. 14. Voir sur la dérive du « grand système » Balandier, 2001. 15. J’ai explicitement commencé à réfléchir en termes de plurivers par rapport au Droit en contexte de globalisation dans Eberhard, 2000a. J’ai récemment approfondi ces pistes dans Eberhard, 2008b. 16. Comparer avec les réflexions développées dans Vachon, 2000.

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