Le droit au miroir des cultures. Pour une autre mondialisation-1 - 182

182 Le Droit au miroir des cultures. Pour une autre mondialisation Le développement durable La globalisation et l’émergence de la gouvernance sont alimentées par le mythe du développement économique qui promet prospérité et paix à tous. Interrogeons la notion de « développement » avant de nous intéresser à son suffixe « durable ». En tant que croissance organique permettant à un organisme, ou à une société de se développer jusqu’à maturité, le « développement » 18 apparaît effectivement comme un idéal qui peut être souhaitable pour tous 19. Mais le concept a une histoire. Il traîne avec lui tout une série de connotations. À la sortie de la deuxième guerre mondiale, l’invention du concept de développement a donné naissance dans son sillage à un monde sous-développé et donc à développer 20. La matrice était profondément occidentale et le développement a pu prendre la relève du rôle que pouvait jouer l’idée de civilisation lors de l’époque des colonisations. Pendant longtemps, le rapport de l’occident aux « autres » s’est manifesté comme mission de christianiser, de civiliser les barbares et les sauvages 21. On est passé ensuite à l’idée de devoir les dévelop18. Pour des premières définitions voir Rist, 1996 et Sachs, 1990. Pour une approche multidisciplinaire du développement voir Choquet, Dollfus, le Roy, Vernières, 1993. Pour une mise en perspective anthropologique voir de Sardan, 1995. 19. Bien que cette vision semble aussi fortement imprégnée d’évolutionnisme. 20. On peut même dater le jour de l’avènement de l’ère du développement où des milliards d’êtres humains sont soudainement devenus sous-développés : le 20 janvier 1949, investiture du président Truman qui déclarait dans son discours « We must embark on a bold new program for making the benefits of our scientific advances and industrial progress available for the improvement and growth of underdeveloped areas. » (voir Esteva, 1997 : 6). 21. Il est important de rappeler que la colonisation ne consistait pas en un simple transfert des modèles occidentaux ailleurs, mais s’enracinait profondément dans des logiques de domination justifiées idéologiquement par la mission civilisatrice. Voir par exemple en ce qui concerne la colonisation française Le Cour Grandmaison, 2005. Le juriste sera plus particulièrement intéressé par les développements sur le code de l’indigénat, p. 247 sq. Pour l’auteur « le Code de l’indigénat est un aboutissement qui, ajouté aux pouvoirs du gouverneur général, scelle des noces singulières de l’état d’exception permanent et de la République ; il est aussi une matrice à partir de laquelle furent élaborées de nombreuses dispositions applicables aux autres colonisés. ( ) le code relève d’un ‘pouvoir’ plus ‘disciplinaire’ qui, reposant sur la multiplication d’obligations diverses, a pour fonction de surveiller, de contrôler et d’inculquer parfois de nouvelles manières d’être et d’agir. Établies pour assurer au jour le jour la soumission des ‘indigènes’, ces obligations saturent en quelque sorte leur existence ; peu de domaines échappent en effet à leur emprise » (p 247-248). Il est difficile, en se plaçant du point de vue des exclus « des Suds », de plus en plus nombreux, de ne pas établir un parallèle avec les dynami-

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