Le droit au miroir des cultures. Pour une autre mondialisation-1 - 47

Chapitre 2  Sur les traces d’Amadou Hampaté Bâ pour une approche africaine du Droit tuation peu confortable, son téméraire de mari, Mamma, pressa le juge de trancher pour en découdre et clarifier la situation. Or ce dernier, au lieu de répondre à la demande et probablement à cause de la responsabilité qu’il sentait peser sur lui quant à l’avenir non seulement du couple mais des liens unissant les familles, convoqua Mamma et lui parla ainsi : « Il faut vraiment être toi pour s’adresser en priorité à nous alors que cette affaire aurait pu et aurait du si la raison l’avait emporté trouver une solution négociée et nous épargner tout ce gaspillage d’énergie et de mécontentement populaire qu’il a suscité de part et d’autre. Quelle raison t’a poussée à venir me voir moi, au lieu de passer par les canaux traditionnels ? Je soupçonne chez toi, et chez tous les tiens d’ailleurs, une absence d’amour propre qui vous empêche de vous entendre avec vos femmes », rajouta le juge qui se trouva aussi être un Sow et donc un parent à plaisanterie des Dia, la famille de Mamma, avant de conclure : « Tu dois te rendre compte que cette procédure n’est pas de celles qui t’honorera et avec toi l’ensemble des membres de ta famille. D’ailleurs, si tu insistes à agir en solitaire, tous les Dia se laveront les mains dans une calebasse et toi tu en boiras le contenu. » Sur ces mots, Mamma se sentit confus. Atteint au fond de lui-même, il décida de donner à sa femme sa liberté, et de laisser tomber son action judiciaire. Aujourd’hui encore, on hésite en Afrique à s’adresser à la Justice étatique et on préfère régler les litiges dans le ventre du groupe qui les a vu naître et qui d’une manière certaine maîtrise la parole et évite de blesser ouvertement les uns ou les autres ce qui pourrait aboutir à détruire le lien social et à susciter des conflits 4. C’est à travers le processus de la palabre, cette « juridiction de la parole » (Bidima, 1997), que cet idéal est assuré dans la résolution des conflits. Il ne s’agit pas de s’en remettre à un tiers, de se soumettre à la pyramide judiciaire et d’en attendre une solution qui correspondrait à déterminer qui a tort et qui a raison par rapport à la vérité émergeant du procès. La solution revêt de l’autorité non 4. Maurice Kamto (1990 : 58) note que « Si l’on considérer que la culture des sociétés africaines traditionnelles est dominée par le souci de préserver la cohésion et l’harmonie du groupe, c’est-à-dire par les valeurs collectives, alors que la culture occidentale tourne autour de la préservation des valeurs individuelles, on peut dire que la coexistence ou la superposition des deux cultures dans les États africains indépendants renvoie à une opposition des conceptions de la fonction sociale de la Justice dans ces pays : opposition entre l’équité et le glaive, entre l’esprit et la conciliation et l’esprit de combat. »
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