Le droit au miroir des cultures. Pour une autre mondialisation-1 - 54

54 Le Droit au miroir des cultures. Pour une autre mondialisation ciété on n’est pas en présence d’une succession de niveaux allant du plus haut au plus bas de manière linéaire ou d’une « échelle de commandement où les instances inférieures sont, en succession régulière, englobées dans les supérieures » (Dumont, 1995 : 91). La logique fonctionnelle, au cœur de l’organisation communautaire, imprime une logique à la notion de « hiérarchie » très différente de celle de la pyramide normative censée représenter notre système juridique. Cette dernière renvoie l’image d’une organisation de la société comme structuration du haut vers le bas qui se conjugue d’une part au singulier et d’autre part d’une manière « figée », « essentialisée » ou « institutionnalisée » 6. De plus, la hiérarchie est généralement perçue dans notre idéologie moderne « égalitariste » comme une tare à éliminer (par l’imposition de la pyramide étatique censée assurer l’égalité de tous devant la Loi) et ne se conçoit que sous l’aspect d’une hiérarchie de pouvoir (voir Dumont, 1995 : 33 sq. ; 91 sq.). Pour bien comprendre la notion de hiérarchie quand nous l’employons dans un contexte africain, il est donc essentiel de l’expliciter en la replaçant dans les visions du monde et du Droit plus profondes qui la sous-tendent 7. Dans les cosmogonies des sociétés traditionnelles africaines, le monde n’est pas créé de l’extérieur par un Dieu tout puissant qui assure ensuite l’ordre de sa création à travers les décrets auxquels ses créatures doivent se soumettre. Ce sont des cosmogonies où c’est l’indifférencié qui se différencie progressivement en forces spécifiques et complémentaires et où l’harmonie cosmique et sociale repose sur le pluralisme, la différentiation des fonctions et leur complémentarité (voir Alliot, 1983 : 95 sq.). C’est la fonction qui prime l’être, inversement à ce qui est le cas dans des visions du monde occidentales. Les « processus de hiérarchisations » doivent donc être abordées non pas comme différents voire comme opposés à des « logiques de réseaux », mais plutôt comme une articulation de ces deux réalités. Ceci oblige le juriste occidental à changer de logique, à penser différemment comme l’illustre Michel Alliot, anthropologue du Droit, dont les talents narratifs éclairent ce dont 6. Voir pour illustration la table généalogique des sources du droit de l’État et de leurs ancêtres proches et lointains dans Le Roy, 1986 : 100, reproduit aussi dans Rouland, 1988 : 415. 7. Sur l’importance de toujours ramener les visions du Droit d’une société à sa vision du monde voir Alliot, 1983 et pour une présentation succincte Rouland, 1988 : 399 sq.
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