Le droit au miroir des cultures. Pour une autre mondialisation-1 - 63

Chapitre 2  Sur les traces d’Amadou Hampaté Bâ pour une approche africaine du Droit vies de grandes ou petites condamnations. Mais s’il arrive qu’une personne commette une faute ou fasse un tort non réparé à une victime ou à la communauté (villageoise, ethnique ou tribale), c’est l’Esprit invisible qui se manifestera soit pour frapper de ‘peine’ l’auteur de l’infraction ; soit pour inspirer et motiver la réparation du dommage causé. Ces manifestations apparaissent sous différents aspects. Elles peuvent prendre la forme de sanctions individuelles ou collectives. Par exemple, le bétail collectif – principale source de revenu de la famille – périt ou l’auteur de l’infraction ou l’un de ses proches se trouve atteint d’une maladie qu’aucun médecin ne pourra soigner. Quant aux sanctions collectives, elles prennent la forme de certaines irrégularités qui n’auraient pas leur raison d’être en temps normal. Dans les sociétés paysannes, pratiquant l’agriculture sous pluie la rareté des pluies pendant les saisons d’hivernage serait la sanction ! Chez les pasteurs, ce serait la mort du bétail, décimé par la maladie Chez les pêcheurs, il n’y aurait plus de poissons dans les nasses ! Les gens commencent alors à se poser des questions de type : « Qu’avons-nous fait pour irriter l’Esprit des Ancêtres morts ? » À partir de cette interrogation fondamentale s’engage alors une véritable discussion secrète qui ouvre des consultations au niveau de la famille, des voisins, du quartier du village, auprès des marabouts et des féticheurs Tous ceux qui savent interroger le destin sont bienvenus pour contribuer à découvrir les racines du mal et à stopper la tragédie. Intervient alors la palabre, non pour désigner du doigt le coupable et pour le vouer à la vindicte populaire, mais pour agir discrètement à l’intérieur de la société dans le but d’arriver à une issue heureuse du phénomène enduré. Il est important de souligner qu’aujourd’hui encore en Afrique, à l’aube du troisième millénaire, un litige n’arrive que rarement au bureau du procureur sans avoir épuisé toutes les voies de recours internes propres à la société pour arriver une solution consensuelle. La justice officielle en est fortement affectée. Déjà peu sollicitée, presque inopérante et coûteuse, sa crédibilité n’est jamais attestée. La sagesse populaire veut que tout se règle « dans le ventre de la société ». Si la justice moderne est certes présente et qu’elle déploie partout en Afrique ses mécanismes et ses méthodes, force est de reconnaître qu’elle ne réussit pas à s’intégrer dans les mentalités. Elle ne touche finalement qu’une infime partie des populations souvent décrites comme « occidentalisées », c’est-à-dire cette partie de l’élite formée à l’école occidentale et ayant adoptée ses lois

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