Droit et Société - Tome 61 - Genre, droit et politique. - 143

Chapitre 8
Comment susciter la mobilisation ?
Les défis des militantes de la cause des femmes au Sénégal
Marième N'DIAYE
CNRS - LAM
Le Sénégal a adopté plusieurs dispositions juridiques en faveur de l'égalité
des sexes. Parmi les plus récentes, on peut noter la loi sur la parité (2010), dont
l'article 1er dispose que « la parité absolue homme-femme est instituée au
Sénégal dans toutes les institutions totalement ou partiellement électives », et
dont l'article 2 précise que « les listes de candidatures sont alternativement
composées de personnes des deux sexes ». Soulignons également la réforme du
Code de la nationalité (2013), qui permet désormais à la femme sénégalaise de
transmettre sa nationalité à ses enfants ou à son mari de nationalité étrangère dans
les mêmes conditions que l'homme sénégalais. Jusque-là, lui seul pouvait
transmettre sa nationalité à son enfant (article 5), et l'acquisition de la nationalité
n'était possible que pour une étrangère épousant un Sénégalais et non l'inverse
(article 7). Sur le plan international, le Sénégal a également ratifié la CEDEF
(1985) 1 et le protocole de Maputo (2003) 2. Des problèmes importants se posent
néanmoins dans la mise en œuvre du droit. Dans un contexte de pluralisme
marqué, le droit étatique est en effet concurrencé par d'autres ordres, notamment
religieux. Les conséquences sont doubles : d'une part les normes égalitaires
restent peu connues et peu mobilisées par les justiciables femmes et, d'autre part,
les professionnel·les du droit ont des interprétations limitées des textes en
l'absence de sensibilisation aux enjeux relatifs à l'égalité des sexes 3. La
persistance des discriminations tient également à la pression que les
organisations islamiques exercent sur le pouvoir politique, annihilant toute
tentative de réforme ou d'harmonisation du droit interne avec les conventions
internationales 4. Cet écart entre engagements internationaux, droit interne et
pratique des tribunaux est particulièrement marqué dès que l'on aborde les
questions définies comme faisant partie de la sphère privée (droit de la famille)
et de l'intime (droits sexuels et reproductifs). À titre d'exemple, l'adoption de
l'autorité parentale et la légalisation de l'avortement sont toujours reportées sine
1. Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes.
2. Protocole additionnel à la Charte des droits de l'Homme et des peuples relatifs aux droits des
femmes en Afrique.
3. Marième N'DIAYE, La Réforme du droit de la famille : une comparaison Sénégal Maroc,
Presses de l'Université de Montréal, Montréal, 2016.
4. Le Sénégal compte plus de 95 % de musulmans et de musulmanes, avec un islam confrérique
majoritaire (plus de 80 % des musulmans et des musulmanes sont rattachées à une confrérie).
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DROIT ET SOCIÉTÉ, VOL. 61, 2021

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