Droit et Société - Tome 61 - Genre, droit et politique. - 19

INTRODUCTION
violences et les crimes sexuels 10 ou encore la prostitution 11. En somme, ce sont
plusieurs numéros spéciaux de revues francophones sur la thématique « genre et
droit » qui, depuis une quinzaine d'années, ont vu le jour 12.
Entre 2010 et 2020, l'Agence nationale de la recherche (ANR) a financé trois
projets de grande ampleur qui ont également contribué à consolider la place des
questions de genre sur l'agenda des travaux sur le droit : RÉGINE (2011-2014),
coordonné par Stéphanie Hennette-Vauchez ; Global Gender (2013-2016),
coordonné par Ioana Cîrstocea, et CAGE (2016-2019), coordonné par Nathalie
Greenan. Le but explicite de RÉGINE (Recherche et Études sur le Genre et les
Inégalités dans les Normes en Europe) était d'importer les Gender Studies dans
un secteur disciplinaire et intellectuel - le droit savant - encore très peu ouvert à
cette perspective. Ce projet a produit un nombre important de travaux juridiques
sur la thématique « genre et droit », notamment l'ouvrage Ce que le genre fait au
droit 13, qui développe des réflexions épistémologiques et propose un aperçu des
méthodes et des terrains sur lesquels peut porter l'analyse genrée du droit.
L'imposant La Loi et le Genre 14, pour sa part, passe au crible du genre des pans
entiers du droit français. Ces deux ouvrages collectifs ont eu le mérite de
s'aventurer sur un terrain très peu fréquenté par la grande majorité des juristes
français·es. En effet, dans les écoles de droit, s'intéresser au genre revêt encore
aujourd'hui quelque chose de singularisant, pour ne pas dire disqualifiant, ce qui
explique sans doute que les participants et les participantes au projet RÉGINE
aient cherché, pour légitimer leur travail à l'intérieur de la discipline juridique, à
écrire dans un style qui parle à leurs collègues des facultés de droit. Ainsi, si la
présentation de La Loi et le Genre prend ses distances avec la distinction
canonique entre droit privé et droit public (au profit d'un classement thématique :
« Corps en société », « Ressources et richesses », « Parité et mixité », etc.), les
contributions de cet ouvrage reprennent toutefois le schéma, bien connu des
juristes français·es, du plan en deux parties et deux sous-parties.
10. Maryse JASPARD, Les Violences contre les femmes, La Découverte, Paris, 2005 ; Océane
PERONA, « Médecins légistes et policiers face aux expertises médico-légales des victimes de
violences sexuelles », dans Déviance et société, 41, 2017, p. 415-443 ; Solène JOUANNEAU et
Anna MATTEOLI, « Les violences au sein du couple au prisme de la justice familiale : invention
et mise en œuvre de l'ordonnance de protection », dans Droit et société, 99, 2018, p. 305-321.
11. Lilian MATHIEU, « Prostituées et féministes en 1975 et 2002 : l'impossible reconduction d'une
alliance », dans Travail, genre et sociétés, 10, 2003, p. 31-48 ; La Fin du tapin : sociologie de
la croisade pour l'abolition de la prostitution, Éditions François Bourin, Lormont, 2014.
12. Voir par exemple « Droit et politique face aux inégalités de genre », dans Droit et société (62,
2006) ; « Le genre, une question de droit », dans Jurisprudence : revue critique (2, 2011) ; « Les
violences de genre à l'épreuve du droit », dans Droit et société (99, 2018). Voir aussi les deux
numéros de la revue Nouvelles Questions féministes : « Le droit à l'épreuve du genre : les lois
du genre (I) » (28, 2009) et « Quand les mouvements féministes font (avec) la loi : les lois du
genre (II) » (29, 2010).
13. Stéphanie HENNETTE-VAUCHEZ, Mathias MOSCHEL et Diane ROMAN, Ce que le genre fait au
droit, Dalloz, Paris, 2013.
14. Stéphanie HENNETTE-VAUCHEZ, Marc PICHARD et Diane ROMAN (éd.), La Loi et le Genre :
études critiques de droit français, Éditions du CNRS, Paris, 2014. Voir aussi ID., Genre et droit :
ressources pédagogiques, Dalloz, Paris, 2016.
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DROIT ET SOCIÉTÉ, VOL. 61, 2021

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