Droit et Société - Tome 61 - Genre, droit et politique. - 227

POSTFACE
féministes, souvent portées par des femmes, est revendiquée, sous une forme ou
sous une autre, la reconnaissance du genre dans le droit (notamment sous l'angle
des violences de genre ou de la « sexospécificité » de ces crimes, pour reprendre
une formule très parlante d'Amélie Bescont et Taïana Marcon).
Sans qu'il soit tout à fait certain que se joue ici une dynamique plus large que
celle qui rassemble ici ces textes, il est frappant de constater que là où l'examen
des dynamiques liées à la reconnaissance d'identités sexuelles diversifiées faisait
apparaître des progrès, quoi qu'incomplets, les chapitres consacrés à la prise en
compte des femmes dans le droit sont principalement consacrés à l'analyse des
violences spécifiques qui les touchent, du viol en temps de guerre à l'excision en
passant par le féminicide, ainsi qu'à la difficile intégration de ces phénomènes
dans les différents corpus juridiques. Le moment de l'affirmation et de la
reconnaissance formelle de l'égalité femme-homme, qui fut celui des
mouvements féministes de la première et de la seconde vague et auquel semble
correspondre l'intégration progressive, pointée par plusieurs articles, des droits
LGBTQ+ dans le droit contemporain, serait donc passé. Reste donc à constater
qu'au-delà de la reconnaissance des droits personnels, qui furent l'objet de tant
de mobilisations pour le droit des femmes, persiste, insidieusement, au-delà de
l'acquisition de ces droits aujourd'hui visés au profit des minorités LGBTQ+, des
formes de différenciation assurées par le jeu des institutions, y compris au sein
même de la justice, ou, avec un autre degré de violence, via les crimes touchant
encore spécifiquement les femmes (viols de masse en Afrique de l'Ouest,
excision, féminicides). D'une certaine manière, le livre décrit ainsi un état du
monde où les droits des femmes, en tout cas dans les pays de l'Ouest, sont
formellement quasiment acquis, du moins dans le droit civil et public si ce n'est
dans le droit pénal. Ils restent à être étendus dans la reconnaissance du caractère
sexué de certaines infractions, et demeurent incomplets tant que les institutions
restent aveugles à leur contribution à la reproduction des inégalités de genre.
Forts de ces précédents, les droits LGBTQ+ apparaissent en plein essor, avec une
portée et des effets de déconstruction des catégories peut-être plus forts encore
car issus de situations moins nombreuses et sans doute plus inattendues dans leur
articulation avec les questions de santé reproductive (cas des parentés
transgenres). Le trouble dans le droit est encore puissant, réjouissons-nous donc
ici que des travaux interdisciplinaires si novateurs nous permettent d'y voir plus
clair.
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DROIT ET SOCIÉTÉ, VOL. 61, 2021
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