Droit et Société - Tome 61 - Genre, droit et politique. - 25

INTRODUCTION
tout par les représentations genrées que les policiers (qui sont plus souvent des
hommes) ont de la délinquance. Cette sur-représentation masculine dans les
statistiques de la délinquance s'observe dès le plus jeune âge. À partir de ce
même constat, le chapitre d'Arthur Vuattoux (« La prise en charge sanitaire dans
les suivis judiciaires de mineur·es : une grille de lecture intersectionnelle »)
entreprend non pas d'expliquer cette sur-représentation, mais d'examiner les
inégalités de genre dans le traitement judiciaire de jeunes délinquants et
délinquantes. En couplant observation ethnographique et analyse de données
statistiques et en disséquant le discours des institutions chargées du suivi des
délinquant·es mineur·es, A. Vuattoux explore ainsi, de manière plus générale, la
gestion institutionnelle des déviances adolescentes. Comme K. Barbier, il met en
évidence l'influence des normes de genre sur les pratiques judiciaires concernant
les délinquants et les délinquantes. Mais ses données soulignent également
l'importance, pour les actes de jugement, d'autres facteurs comme celui de la
position sociale, de l'identité ethno-raciale et des catégories d'âge. Ce faisant,
son étude remet en cause l'universalisme juridique que revendiquent les
institutions de contrôle social. Elle formule également un argument
méthodologique : celui de l'utilité des analyses intersectionnelles permettant de
capter la diversité des expériences vécues du système judiciaire. Ce dernier
chapitre de la première partie met ainsi en évidence à la fois l'importance
méthodologique et les limites du genre comme catégorie d'analyse.
Les textes réunis dans la deuxième partie du volume examinent l'utilisation
du genre comme un instrument, sollicité de manière parfois subversive, dans les
mobilisations politiques visant à transformer le droit. Elles entreprennent des
réflexions qui poussent plus loin la théorisation du genre comme catégorie
d'analyse et envisagent, à travers l'étude du droit national et international, des
manières de dépasser ses limites méthodologiques. Les trois premières
contributions de la deuxième partie se centrent ainsi sur le droit international en
se tournant plus spécifiquement vers le continent africain. Le chapitre de Lison
Guignard, intitulé « Les usages du droit dans les luttes pour l'égalité de genre au
sein de l'espace régional africain », documente la campagne, menée à l'intérieur
de l'Union africaine, pour l'adoption d'un protocole additionnel à la Charte
africaine des droits de l'Homme relatif aux droits des femmes. Entré en vigueur
en 2005, ce protocole représente une ressource politique importante pour les
mobilisations contre les inégalités de genre dans la région car, comme le souligne
L. Guignard, il a été le premier instrument contraignant de droit international à
partiellement dépénaliser l'avortement, prohiber l'excision et condamner la
polygamie. L'analyse des conditions sociales et historiques ayant permis à ce
protocole d'émerger met en évidence la manière dont des activistes locales ont
pu, dans leurs luttes, mobiliser les normes de genre du droit international et
conduit l'autrice à soulever une question à la fois théorique et politique : existet-il
une spécificité du « transnational » ou du contexte africain en matière de
droits humains ?
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DROIT ET SOCIÉTÉ, VOL. 61, 2021

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