Droit et Société - Tome 61 - Genre, droit et politique. - 68

GENRE, DROIT ET POLITIQUE
l'étape de l'ordonnance de non-conciliation, 76 % des femmes et 65 % des hommes
sont assistés d'une femme avocate ; dans les divorces par consentement
mutuel, lorsque les ex-conjoint·es ont un·e même avocat·e (84 % des
consentements mutuels)
17
, il s'agit d'une femme dans 58 % des cas, et lorsqu'ils
ont chacun·e leur avocat·e (16 % des cas), c'est une avocate pour 60 % des
hommes et pour 77 % des femmes. En outre, si l'on considère comme
« spécialisé·es » celles et ceux dont l'activité en matière familiale représente plus
de 60 % de leur activité totale 18, 24 des 38 femmes avocates que nous avons
rencontrées étaient spécialisées en droit de la famille, tandis que ce n'était le cas
que d'un seul homme sur les 13 avocats rencontrés. Que ce soit chez les juges ou
chez les avocat·es, les professionnel·les du droit exerçant aux affaires familiales
sont donc plus souvent des femmes 19.
Par ailleurs, parmi nos enquêté·es, les hommes sont dans l'ensemble issus de
milieux sociaux moins favorisés que les femmes 20 et concluent des alliances
matrimoniales dans des milieux sociaux moins élevés. Alors que les avocates
rencontrées ont plus souvent que les avocats un père profession libérale ou cadre
supérieur, elles sont aussi plus souvent en couple avec des hommes de profession
libérale ou exerçant dans le domaine du droit (leurs conjoints sont
majoritairement juges, avocats, notaires ou médecins, là où les conjointes sont
parfois avocates, mais sont aussi : enseignante, agent immobilier, responsable
d'équipe, etc.). Si le droit de la famille est moins pratiqué par les avocats que par
les avocates, les hommes qui le pratiquent ne sont pas les plus dotés, alors que
les femmes semblent au contraire « sursélectionnées », à l'image de ce que l'on
observe chez les magistrats et les magistrates 21. Philippe Dumas 22, l'homme le
plus doté que nous avons rencontré, est ainsi spécialisé en droit des affaires ; les
affaires familiales ne représentent pour lui qu'une vingtaine de dossiers par an.
Il perçoit son activité en droit de la famille comme un service rendu à une
clientèle qu'il conseille par ailleurs en droit des affaires :
« Par rapport à mon activité, ça me prend beaucoup de temps, ça me rapporte pas
beaucoup, mais je le fais » (Philippe Dumas, 56 ans, avocat exerçant en individuel
spécialisé en droit des affaires à Paris. Issu d'une lignée de dirigeants de grandes
entreprises, divorcé d'une femme avocate).
17. En France, depuis le 1er janvier 2017, il n'est désormais plus possible pour les époux, en cas de
divorce par consentement mutuel, d'avoir la ou le même avocat·e.
18. Notre définition se distingue de la possession de la mention de spécialisation en « Droit de la
famille, des personnes et de leur patrimoine », une des 26 mentions délivrées par les centres
régionaux de formation professionnelle.
19. COLLECTIF ONZE, Au tribunal des couples, op. cit.
20. Si l'on recode en trois modalités le milieu social d'origine des 42 avocat·es rencontré·es pour
lesquels c'est possible, sur 31 femmes, 22 sont issues d'un milieu social « favorisé », 3 d'un
milieu social « moyen » et 6 d'un milieu social « populaire » (contre respectivement 6, 3 et 2
des 11 hommes rencontrés).
21. Anne BOIGEOL, « Les femmes et les cours », op. cit.
22. Entretien avec Céline Bessière et Marion Flécher, novembre 2014.
DROIT ET SOCIÉTÉ, VOL. 61, 2021
68

Droit et Société - Tome 61 - Genre, droit et politique.

Table des matières de la publication Droit et Société - Tome 61 - Genre, droit et politique.