Droit et Société - Tome 61 - Genre, droit et politique. - 75

LE DROIT COMME VECTEUR DES INÉGALITES DE GENRE
Besson. Fille d'un expert-comptable et d'une enseignante, mariée à un avocat
d'affaires).
Sandrine Chetrit explique pour sa part se partager entre le droit pénal et le
droit familial pour leur dimension humaine, « où les gens racontent leur vie,
l'intime, enfin voilà, moi je pense que c'est deux matières qui se ressemblent un
peu quand même ». Elle valorise « les histoires des gens », le fait de « rencontrer
des personnes » et non de « faire des contrats ». Ces avocates, à la clientèle
souvent moins aisée, revendiquent donc une compétence fondée sur l'écoute,
l'empathie et sur l'usage de savoirs psychologiques, à l'inverse des savoirs et des
raisonnements juridiques requis par d'autres types de droit. Elles reprennent ainsi
à leur compte la dimension de « care » pour en faire une compétence à part
entière requise en droit de la famille, qu'elles associent à des qualités féminines.
2. Revaloriser le droit de la famille par la technicité des dossiers
À l'inverse, certaines avocates à la clientèle plutôt aisée et spécialisées en
patrimoine réfutent la supposée simplicité du droit de la famille pour mettre en
avant la complexité à la fois juridique et financière des dossiers, qu'elles
considèrent sous-estimée :
« Il y a une technicité du droit de la famille qui est à mon avis méconnue par
certains confrères [...] Il y a une technicité de la prestation compensatoire, il y a
une technicité de la liquidation des régimes matrimoniaux, il y a une certaine
technicité de la filiation » (Claire Castel-Lefort 45, 60 ans, avocate associée à
Besson spécialisée en droit familial. Profession des parents inconnue, mariée à un
ancien avoué).
Les avocates comme Claire Castel-Lefort revalorisent donc le droit de la
famille par son aspect technique, en rappelant la complexité des calculs
économiques impliqués par les prestations compensatoires ou les connaissances
requises en termes de fiscalité. Comme elle, Clotilde Reymbaut-Dawkins 46 est
une avocate parisienne de 44 ans qui exerce à 90 % en droit de la famille en tant
qu'associée principale dans un cabinet à la clientèle très aisée 47. Elle explique
longuement, en entretien, comment le droit de la famille s'est complexifié,
notamment par les « vecteurs d'investissement » qui « demandent de la part des
avocats une appréhension plus complexe des questions financières, et un peu
fiscales ». Mais la technicité des dossiers dépend beaucoup de l'origine sociale
de la clientèle et des enjeux financiers et patrimoniaux impliqués par les
séparations. C'est ce que souligne Yves Le Floch 48, le seul homme spécialisé en
droit de la famille que nous avons rencontré :
45. Entretien avec Muriel Mille et Marie Hautval, février 2014.
46. Entretien avec Muriel Mille, décembre 2014.
47. Ses tarifs s'élèvent à 450 euros de l'heure.
48. Entretien avec Camille Bertin et Gabrielle Schütz, février 2014.
75
DROIT ET SOCIÉTÉ, VOL. 61, 2021
Droit et Société - Tome 61 - Genre, droit et politique.

Table des matières de la publication Droit et Société - Tome 61 - Genre, droit et politique.
