Droit et Société - Les audiences à distance - 1re - 11

Introduction
À l'hiver 2010, l'Assemblée nationale examine un projet de loi1 qui comprend une kyrielle de mesures en matière de sécurité depuis l'extension des
pouvoirs des policiers municipaux, à la création et l'interconnexion de nouveaux fichiers de police jusqu'à la généralisation de la vidéosurveillance en
passant par la facilitation de l'espionnage à distance des écrans d'ordinateurs
personnels par des services de police. Mais une mesure radicale apparaît au détour d'un amendement 2 : la généralisation de la visioconférence comme mode
de comparution en audience. La mesure prévoit en effet qu'à l'exception des
débats devant le juge d'instruction, « pour tous les autres actes pour lesquels la
visioconférence est aujourd'hui seulement possible, [...] celle-ci deviendra la
procédure de droit commun, sauf décision contraire de l'autorité judiciaire
compétente. » 3 Dit autrement, cette disposition prévoit que la comparution par
visioconférence devienne le mode normal de comparution devant une juridiction, c'est-à-dire implique rien moins que renoncer à la présence physique et à
l'unité de lieu qui caractérisent l'audience.
Même si la mesure, votée par l'Assemblée nationale, ne l'a pas été par le
Sénat et a ensuite disparu de l'agenda politique, elle témoigne d'un changement
dans les représentations de ce que tenir audience veut dire. À défaut d'être consensuelle, l'idée que l'audience peut être produite par l'articulation de plusieurs
espaces-temps et sans que tous ses participants ne soient réunis dans la même
pièce est devenue dicible et audible. La visioconférence, en tant que technologie d'information et de communication utilisée dans le cadre d'activités judiciaires, est donc aussi ce par quoi s'opère une transformation de ce qui est attendu d'une audience et de la façon dont elle peut être opérée.

1. La montée en puissance de la visioconférence dans la justice
Le recours à la visioconférence 4 en contexte judiciaire n'est pas radicalement neuf. Il existe déjà depuis de nombreuses années. Cette technologie a fait
1.
2.
3.
4.

Projet de loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure,
no 1697, déposé le 27 mai 2009 à l'Assemblée nationale. Il donnera lieu à la loi 2011-267 du
14 mars 2011 dite loi LOPPSI 2.
Amendement d'Éric Ciotti, no 1697, présenté devant la Commission des lois de l'Assemblée
nationale, no CL181.
Ibid.
Il existe un flou sémantique autour des termes visioconférence, vidéoconférence, visiophonie,
vidéocommunication et autour de leur orthographe (avec ou sans tiret), en raison notamment
d'anglicismes. Nous optons pour les termes francophones les plus courants aujourd'hui : visioconférence (réunions, témoignages, audiences...) et visiophonie (terme plus général).

DROIT ET SOCIÉTÉ, VOL. 57, 2017

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