Droit et Société - Les audiences à distance - 1re - 167

CONCLUSION

dans le premier chapitre13. Ils interviennent seulement dans la deuxième et surtout la troisième période. Mais encore est-ce de façon assez discrète, beaucoup
plus par exemple que ce ne fut le cas sur la question, contemporaine, de la carte
judiciaire. La visioconférence qui est présentée comme une simple modalité
technique et qui fait partie d'un ensemble de technologies numériques en essor
dans d'autres contextes sociaux et institutionnels, est faiblement politisée.
De plus, l'implantation de la visioconférence ne relève pas d'abord d'une
promesse électorale, d'un programme politique mais de l'introduction pragmatique d'un objet technique dans une logique de résolution de problème. De ce
point de vue, l'histoire que nous avons reconstituée tranche considérablement
avec celle de la Belgique où, quelques années plus tard, les acteurs politiques et
gouvernementaux ont tenté d'imposer la visioconférence selon une modalité
top down, avec pour seul objectif la rationalisation des dépenses de justice 14.
2.2. La mise en forme juridique des débats sur la visioconférence
Question apparemment pointue, peu clivante lorsqu'on la considère à travers une conception simplifiée de la communication (ce ne serait alors qu'un
changement de médium sans effet sur le message), la visioconférence ne parvient guère à sortir de l'espace confiné dans lequel elle est d'emblée positionnée. Comme certaines réformes (de la cour d'assises, de la justice consulaire...) 15 ou sujets de politiques pénales 16, la possibilité de recourir à la visioconférence pour tenir des audiences est traitée sous une forme technicisée, dans
le cadre de cercles de praticiens, de communautés épistémiques et d'arènes
spécialisées, au sein desquels les acteurs juristes mais aussi les savoirs et expertises de nature juridique ont un rôle particulièrement central. Ainsi des conseillers d'État qui apparaissent comme la principale source de contradiction dans la
première période ; du contrôleur général des lieux de privation de liberté qui
intervient dans la troisième. Les débats restent donc principalement ordonnés à
une discussion autour de principes et règles juridiques et ne se déplacent que
tardivement dans l'arène médiatique et dans l'espace public comme nous
l'avons vu dans le chapitre 3.
Ce n'est pas que les débats autour de la visioconférence ne soient menés
que sur le plan du droit, entendu comme une technique qui serait détachée
d'orientations en valeur. Certains des porteurs de cette innovation poursuivent
des objectifs politiques, relatifs aux formes que doit prendre la justice, à la façon dont elle doit évoluer. Certains sont en effet favorables à la modernisation
de l'institution, c'est-à-dire à son ouverture vers des normes et façons de faire
valorisées à l'extérieur de l'institution, dans d'autres secteurs d'activité, comme
13. A l'exception toutefois du président du conseil général de Saint-Pierre-et-Miquelon.
14. Sophie de BIOLLEY, op. cit.
15. Antoine VAUCHEZ et Laurent WILLEMEZ, La justice face à ses réformateurs (1980-2006),
PUF, Paris, 2007.
16. Stéphane ENGUELEGUELE, « Les communautés épistémiques pénales et la production législative en matière criminelle », Droit et Société, 40, 1998, p. 563-581.

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DROIT ET SOCIÉTÉ, VOL. 57, 2017

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