Droit et Société - Les audiences à distance - 1re - 183

CONCLUSION

par un juge 56) de la possibilité pour une prévenue de comparaître à son procès
en niqab, et d'être interrogée ainsi par les avocats est aussi celle des formes de
présentation de soi compatibles avec une comparution judiciaire réussie. Accepter la comparution d'une femme presque complètement voilée, ce serait admettre que l'on peut se passer à l'audience de la plupart des indices liés aux expressions du visage et du corps sans remettre en cause l'équité de la procédure,
ce qui affaiblit considérablement l'exigence d'une comparution corps présent.
Sur quelle base refuser alors une comparution téléphonique par exemple ? Notons que dans tous ces exemples, des formes de comparution qui s'écartaient
d'une norme de comparution corps présent (et au moins à visage dévoilé) ont
conduit à des controverses, et à la production de critiques qui s'appuyaient sur
le primat normatif de la présence physique. Le cas de la visioconférence semble
particulier dans la mesure où il laisse bien entrevoir la possibilité d'un renversement radical dans lequel la forme de présence que concrétise la performance
située de « corps présents et visibles » ne constitue plus la règle mais
l'exception.
Ensuite parce que la visioconférence peut se retrouver prise dans une autre
configuration, où elle devient une ressource pour étayer la nécessité d'une
forme de comparution, certes pas « corps présent » mais comparution tout de
même, là où les textes ne l'exigent pas. Dans le cas par exemple de certaines
formes de comparution relativement récentes, comme auprès des Commissions
pluridisciplinaires des mesures de sureté, les fonds n'ont pas été prévus pour
extraire les prisonniers pour ce genre d'audition. Selon les juridictions, ces
commissions traitent les affaires sur dossiers (auquel cas l'opinion donnée sur
la dangerosité se fait en l'absence complète de la personne concernée), ou bien
pour certaines d'entre elles, elles demandent la « comparution » des détenus par
visioconférence 57. Pour ces commissions récemment créées, le recours à la visioconférence ne met donc pas en jeu une comparaison avec des situations de
comparution « corps présent ». L'usage de la visioconférence s'oppose plutôt
au simple traitement sur dossier in absentia, dans lequel les détenus ne sont
présents qu'à travers le discours rapporté consigné dans des écrits, c'est-à-dire
sur le mode de la présence intertextuelle. De manière paradoxale, et quelque
peu inattendue, défendre la comparution à distance dans ce genre de contexte,
c'est réaffirmer l'importance de la comparution tout court, partout où cette attente est fragilisée. C'est-à-dire non seulement lorsque l'on envisage de traiter
les affaires seulement sur dossier dans certaines juridictions, mais aussi, et peut
être plus encore lorsque l'on envisage de baser les décisions sur des profils calculés et de type actuariel comme y poussent les évolutions de la criminologie
dans le monde anglo-saxon. Revendiquer alors la possibilité de comparaître à
56. « Judge Bans Veil and Urges Parliament to Rule on "Elephant In The Courtroom" », The Times, 16
septembre 2013, consulté le 2 mars 2016,
.
57. Notons que le fait de pouvoir traiter ces questions sur dossier témoigne aussi d'un affaiblissement relatif de l'exigence d'une forme de présence incorporée, mais qui n'est pas lié cette fois
à la visioconférence.

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DROIT ET SOCIÉTÉ, VOL. 57, 2017
http://www.thetimes.co.uk/tto/faith/article3870473.ece
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