Droit et Société Classics - Les métamorphoses de la régulation politique - 1re - 162

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La régulation politique par domaines d'action

l'accompagnent, mais aussi sur celui de la vie familiale et du travail de
protection (et de care) qu'elle dispense. Dans cette perspective, la
« question familiale » n'est plus seulement une question sectorielle, qui
pourrait se résumer à l'analyse des politiques familiales ou de ce que
l'État et les partenaires sociaux conçoivent pour soutenir et protéger les
familles, mais sur une question fondamentale : celle de la partition des
formes privées et publiques de protection des individus et de leurs
trajectoires ; du rôle respectif de l'État, des pouvoirs publics, du marché
et de la famille - et, au sein de la famille, des hommes et des femmes. La
transformation rapide des comportements familiaux dans l'ensemble de
l'Union européenne, la fragilisation des liens de parenté et des
obligations et solidarités dont ils sont le vecteur, de même que le vieillissement de la population et le bouleversement des étapes du cycle de vie,
représentent alors des enjeux primordiaux et des arguments dans la
discussion sur l'avenir des systèmes de protection sociale 64.
Interminable jeunesse et interminable vieillesse se combinent alors aux
effets du chômage et de la non-insertion sur le marché du travail ou
encore à ceux de l'instabilité des couples pour remettre en cause les
mécanismes sur lesquels était fondé l'équilibre philosophique et
financier de ces systèmes.
Deux courants de pensée se sont longtemps opposés sur cette
lecture du rôle des variables socio-domestiques. Le premier, conservateur, considère que les changements familiaux et démographiques
seraient pour une large part le résultat du développement de l'Étatprovidence lui-même qui, en se substituant à l'institution familiale (et en
se prenant pour la Providence, précisément), l'aurait vidé de son essence
et de ses fonctions, débouchant sur un individualisme dévastateur, mais
aussi une déresponsabilisation et une dépendance des citoyens à l'État.
La solution pour ce courant consiste alors à revenir à des valeurs
supposées originelles (back to basics, comme le défendait Margaret
Thatcher) en restaurant les obligations et responsabilités à l'intérieur des
réseaux primaires de la parenté. Le second, progressiste, considère, au
64.

Suivant les critiques féministes de son travail de 1990, Esping-Andersen a ainsi
soutenu que le familialisme caractéristique du « vieux » système continental de
Welfare était le tendon d'Achille de ce modèle, en compromettant à la fois la
formation des familles et l'offre de travail, avec de faibles taux d'emploi féminins,
réduisant d'autant la soutenabilité budgétaire des systèmes de protection
collective. D'où l'appel à un accroissement des taux d'emploi féminin et la
promotion du modèle de l'adulte-travailleur, au risque de sous-estimer les
conséquences inégales de cette ligne politique sur les enjeux de répartition du
travail de care pour les femmes. Gøsta ESPING-ANDERSEN, 1999, op.cit. Voir la critique
dans Jane LEWIS, "Gender and Welfare State Change", op.cit.
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