Droit et Société Classics - Les métamorphoses de la régulation politique - 1re - 20

Les métamorphoses de la régulation politique

équilibration d'ordres, à un moment donné et constamment remis en
question 23. De ce point de vue, la sociologie s'est libérée elle-même
d'une approche fonctionnaliste, particulièrement lorsqu'elle a été
amenée à souligner le déplacement d'une normativité durkheimienne
vers une norme n'existant que dans le jeu social 24, que comme enjeu,
c'est-à-dire une « crise des régulations traditionnelles » 25. La sociologie
a remis en cause cette idée que la régulation impliquait la pérennisation
du statu quo que sous-entend la notion d'homéostasie. Il est désormais
admis que la régulation puisse être un processus permanent de
tentatives d'ajustement où la recherche de la préservation des valeurs
centrales d'un système peut impliquer d'importants changements à sa
périphérie.
Les travaux précurseurs sur les relations sociales et le traitement des
conflits dans l'entreprise soulignant l'importance croissante d'un modèle
de la « négociation permanente » mis en œuvre pour construire « des
compromis entre des rationalités et des prétentions contradictoires » 26
font alors opportunément écho (en même temps qu'il suggèrent une
généralisation) à d'autres consacrés à ces processus de construction de
l'action notamment dans le domaine des institutions publiques et du
politique. Inspirée par la sociologie pluraliste américaine, l'intérêt pour
les jeux de pouvoirs 27 permet de prendre la mesure de l'épaisseur et de
la complexité des relations de pouvoir à l'œuvre dans la mise en
application des politiques. De même, la sociologie française des organisations a mis à jour, à la fois les « systèmes intermédiaires [qui] apparaissent comme la trame véritable à travers laquelle se gouvernent et se
dirigent les choses et les hommes et dans lesquels s'effectuent les
négociations et les arrangements nécessaires au fonctionnement de tout

23.
24.
25.

26.

27.

Voir sur ces aspects Robert BOYER et Yves SAILLARD (dir.), Théorie de la régulation.
L'État des savoirs, Paris, La Découverte, 2002 (1ère éd. 1998).
François CHAZEL et Jacques COMMAILLE (dir.), Normes juridiques et régulation sociale,
LGDJ, coll. « Droit et Société », Paris, 1991.
Michel CROZIER, « La crise des régulations traditionnelles », dans Henri MENDRAS
(dir.) La sagesse et le désordre. France 1980, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque
des sciences humaines », 1980.
Jean-Daniel REYNAUD, « Du contrat social à la négociation permanente », dans La
sagesse et le désordre..., op.cit. ; Les règles du jeu. L'action collective et la régulation
sociale, op.cit. ; ou encore sur le contrat comme expression et instrument de la
« fluctuation des engagements stables » : Emmanuèle REYNAUD et Jean-Daniel
REYNAUD, « La régulation des marchés internes du travail », Revue Française de
Sociologie, vol. XXXVII, n° 3, 1996, p. 337-368.
Ronald A. DAHL, Who Gouverns? Democracy and Power in an American City, New
Haven, Yale University Press, 1963.

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