Droit et Société Classics - Les métamorphoses de la régulation politique - 1re - 21

Introduction ■

ensemble social » 28, et sur les rapports complexes de pouvoir entre le
niveau central et le niveau local, « le centre et la périphérie », prenant la
forme d'une « régulation croisée », notamment entre les notables
locaux et les agents déconcentrés de l'État central 29.
Ce que nous avons finalement à assumer, c'est une régulation
confrontée à une montée en complexité du fonctionnement des sociétés, inscrite dans les processus européens et les flux internationaux.
Le constat qui s'impose alors, c'est l'existence d'un « champ
régulatoire » des sociétés contemporaines, prenant la forme, plutôt que
la manifestation d'une volonté d'action, de contrôle, de « régulation »,
celle d'un champ de forces où se déploient des logiques multiples et
éventuellement antagonistes. Mais dire que c'est un champ de force,
c'est poser comme hypothèse que la régulation forme des systèmes
structurés par des forces qui orientent l'évolution de chacune de ces
composantes. Le champ régulatoire ne se résume pas à la sédimentation
aléatoire de régulations partielles. Les trajectoires de ces régulations
multiformes sont orientées par les forces constitutives de la régulation
politique. Dans le cadre d'une réflexion renouvelée sur l'ordre et la
régulation politique que nous engageons dans cet ouvrage, à côté d'une
régulation politique « insérée », dimension particulière de différentes
formes de régulation sociale faite, comme nous l'avons vu, d'interactions
ou de confrontations
entre de multiples acteurs, y compris
éventuellement parmi les plus démunis, se manifeste une régulation
politique « extériorisée » imposant des principes de réduction des
conflits au travers d'outils spécifiques-mobilisation de la contrainte,
affirmation d'une volonté d'hégémonie. Le recours à la contrainte qui est
le propre du politique implique la rencontre entre deux types d'exigence
qui organisent ce champ de forces. C'est d'abord une exigence de
légitimité sans laquelle ni l'extraction de ressources ni leur usage ne
serait possible. Celle-ci passe par la diffusion partagée d'interprétations
conférant de l'intelligibilité et du sens aux actions entreprises. La
hiérarchisation est la deuxième exigence de la régulation politique
« extériorisée » : il s'agit, d'une part, de faire cohabiter des régulations
plus ou moins compatibles et, d'autre part, de faire prévaloir des normes
d'ajustement permettant de répartir des ressources toujours limitées. En

28.

29.

François DUPUY et Jean-Claude THOENIG, « Le marchandage régulateur », dans Henri
MENDRAS (dir.), La sagesse et le désordre. France 1980, Paris, Gallimard, coll.
« Bibliothèque des sciences humaines », « nrf », p. 351-362., p. 352.
Michel CROZIER et Jean-Claude THOENIG, « La régulation des systèmes organisés
complexes », Revue Française de Sociologie, 1, 1975, p. 3-32.

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