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Les métamorphoses de la régulation politique

cantonnant à l'exercice d'un rôle d'incitation. L'entreprise acquiert
progressivement son autonomie dans cette gestion des relations
professionnelles et l'État se retrouve à la périphérie de l'univers de la
production et du travail. La mutation de la régulation politique prenant
la forme d'un déplacement de l'État vers l'entreprise ne se mesure pas
mieux ici que par le passage d'une régulation juridique prenant la forme
de la loi vectrice de contraintes et d'imperium à une autre ayant comme
instrument un droit plus flexible. Face à l'économique, le politique
abandonne ce qui institue pour accompagner ce qui contractualise. Le
lieu principal de la régulation se situe désormais dans l'espace
économique et non plus dans l'espace politique.
C'est ce même déplacement qu'on va retrouver, disons de façon
particulièrement marquée, dans le chapitre 7. En s'appuyant sur le cas
des filières globalisées du soja et de l'huile de palme, Eve Fouilleux
s'attache particulièrement aux processus d'élaboration de « standards
volontaires » dans le cadre de « tables-rondes » suivant une procédure
dite « multi parties-prenantes », supposée associer tous les types
d'acteurs impliqués dans les filières concernées. Mais de tels dispositifs,
suggérant l'établissement de procédures de discussion, de négociation
accessibles potentiellement à tous les acteurs concernés, comme une
mise en place d'espaces démocratiques hors de l'espace politique
consacré, se révèlent sous un autre visage lorsque sont observées les
pratiques en référence aux principes énoncés, notamment à cause des
problèmes de représentation des différents acteurs, des inégalités entre
certaines catégories d'entre eux dans leurs capacités discursives, des
inégalités de statuts par exemple entre les ONG impliquées ou entre les
producteurs, aux stratégies développées par certain de ces derniers, etc.
Tout concourt à ce que la privatisation de l'espace de délibération
politique apparaisse comme un leurre où, dans les faits, l'intervention du
politique est marginalisée, comme l'illustre la simple reprise dans les
politiques publiques par les États européens des standards volontaires
de durabilité conçus dans le cadre d'une régulation en réalité maîtrisée
par un marché transnationale où dominent certains acteurs privés : les
plus puissants, ceux-ci en mesure de promouvoir des instruments
spécifiques jusqu'à y intégrer des questions relevant normalement d'une
régulation politique par le politique, comme celles des droits sociaux, des
choix entre modèles productifs, des enjeux écologiques, etc.
Toutes les analyses proposées dans cette nouvelle édition en
soulignant avec force l'ampleur des évolutions tenant à la régulation
politique des sociétés contemporaines pourraient nous inciter à
substituer le terme de « mutations » à celui de « métamorphoses ».
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