Droit et Société Classics - Les métamorphoses de la régulation politique - 1re - 32

La régulation politique au regard des disciplines

Deux constats s'imposent, s'agissant des sciences sociales et de leur
adoption du concept « régulation » dans le domaine des politiques et
des actions publiques.
Ce concept rend compte de phénomènes empiriques tels que la
dissociation croissante entre d'une part la capacité que manifestent les
institutions étatiques à établir l'ordre ou le progrès dans la société, et
d'autre part la manière dont cet ordre ou ce progrès social est produit
dans la réalité quotidienne et les impacts, voulus ou inattendus,
immédiats ou plus diffus, que génèrent les actions publiques. En d'autres
termes, les grandes institutions qui sont établies au nom de la
publicitude intègrent en général mal à elles toutes seules les espaces
sociaux dont elles sont censées assurer l'encadrement, la conduite de
leurs assujettis, et la dynamique des événements affectant leur ressort 3.
Une illustration en est fournie par les limites auxquelles se
confrontent des logiques telles que le modèle pyramidal de l'autorité
hiérarchique régnant au sein des administrations d'État, en vue
d'imposer leur marque et leurs références à leur environnement
sociétal. En revanche, d'autres logiques de gouvernance et d'autres
acteurs seraient à l'œuvre, dont l'influence et le poids deviendraient
significatifs, car autonomes. Leur analyse par les sciences sociales
correspond à une progressive modification de la perspective qu'elles
adoptent. Elle suggère que l'action publique ne peut et ne doit se
comprendre de façon pertinente que si elle observe aussi la mise en
œuvre et des acteurs en charge de leur application sur le terrain, et les
effets qu'elle génère dans la société. Elle ne se cantonne plus à l'étude
de la seule phase menant à la décision et à l'affichage d'un programme,
de façon à ne pas prendre pour argent comptant le seul affichage des
bonnes raisons et des objectifs par les textes officiels les légitimant.
Cette perspective élargie s'érige comme la vocation de l'analyse des
politiques publiques 4.
Au nombre des études pionnières qui illustrent cette perspective, on
peut citer celles qui observent l'application de textes législatifs comme
celui concernant la fusion et le regroupement des communes 5 et celui

3.
4.

Barry BOZEMAN, « La publicitude normative : comment concilier valeurs publiques
et valeurs du marché », Politiques et Management Public, 25, 4, 2007, p. 179-211.
Jean-Claude THOENIG, « L'analyse des politiques publiques », dans Madeleine
GRAWITZ et Jean LECA (dir.), Traité de science politique, « Les Politiques Publiques »,
vol. 4, Paris, Presses Universitaires de France, 1986.
Jean DE KERVASDOUE, Laurent FABIUS, Myriam MAZODIER et Francis DOUBLET. « La loi et
le changement social : un diagnostic : La loi du 16 juillet 1971 sur les fusions et

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