Droit et Société Classics - Les métamorphoses de la régulation politique - 1re - 75

Chapitre 3 L'économie dans la régulation politique

À l'inverse, les économistes utilisent en général la notion de régime
dans un autre sens, plus abstrait 4. Pour eux, un régime est avant tout de
nature processuelle et ne renvoie pas à un état donné, statique, de droits
et obligations réglementant un champ de pratiques en fixant des règles
de comportement. Il n'est donc pas repérable à partir des seules règles
formalisées, juridiques ou quasi-juridiques, ni des pratiques individuelles, mais plutôt à partir de l'observation de régularités témoignant
d'effets dynamiques de système. Dans cette perspective, un régime est
ainsi paradoxalement considéré comme plus réel qu'un régime juridique
plus formel, bien qu'il ne se donne pas à voir explicitement mais doive
être découvert par induction à partir de régularités empiriques mises à
jour avant que d'être modélisé. Avec une telle notion de régime, la
régulation n'est pas réductible à une réglementation, fruit d'une volonté
consciente, mais est le résultat d'ajustements dialectiques entre
pratiques contradictoires permettant la stabilisation momentanée et en
dynamique des tensions travaillant un champ d'actions et de forces
donné.
Bref, le régime des économistes est à la fois un concept plus abstrait
mais qui se veut plus proche du réel que le régime immédiatement
concret et formel des politologues. On ne peut le mettre à jour que par
une modélisation macro-dynamique abstraite d'un processus d'équilibration, par une construction intellectuelle qui s'appuie pour l'essentiel
sur la notion de circuit ou de bouclage monétaire assurant la
reproduction (circulaire ou en spirale - boucle ouverte) d'une structure
qui, par là même, se voit caractérisée comme invariante dans une
temporalité de plus ou moins longue durée. Un régime, selon les

Cornell University Press, 1983, p. 2. Pour cet auteur, les principes et les normes
sont le cœur des régimes, les règles et procédures la périphérie. Un régime
s'affaiblit quand les règles et procédures ne sont plus respectées : il y a
changement à l'intérieur du régime. En revanche, le régime est remis en question
quand il y a altération des principes et normes (ibid., p. 4-5). Alors que Robert BOYER
et Yves SAILLARD, « Un précis de la régulation », dans Robert BOYER et Yves SAILLARD
(dir.), Théorie de la régulation. L'état des savoirs, La Découverte, Paris, 1995 coll.
« Recherches », p. 62, laissent entendre qu'une telle notion de régime est proche
de celle de l'approche de la régulation, Lars MJOSET, « Les significations historiques
de l'européanisation », dans l'Année de la régulation, vol. 1, 1997, p. 87-98, montre
au contraire la distance qui les sépare.
Même si parfois, notamment en ce qui concerne le « régime monétaire », la
conception politique-formelle-statique peut également se trouver. On distinguera
alors un régime monétaire formel (par exemple celui de l'étalon-or) du régime
monétaire réel (la période de l'étalon-or étant alors considérée comme relevant
d'un régime dynamique de fait où c'est la livre-sterling - et non l'étalon-or - qui
régule le système monétaire international).

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