Bibliothèque de droit public - Tome 267 - L'arbitrage des litiges sportifs - 221

LE FONDEMENT AMBIVALENT DE L'ARBITRAGE DES LITIGES SPORTIFS

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497. Pour préserver leur autonomie, qu'elles estimaient menacée par l'inefficacité en
droit étatique des dispositions de leurs statuts et règlements prohibant l'exercice de toute
action en justice, les institutions sportives ont entrepris de leur substituer ou de leur ajouter
des dispositions compromissoires. Certes, c'était admettre expressément la possibilité d'un
contrôle extérieur sur leurs activités. Mais c'était aussi continuer à faire obstacle à la saisine
du juge public, cette fois en satisfaisant à l'exigence étatique du droit au juge : recourir à
l'arbitrage, ce n'est en effet pas renoncer à tout juge mais seulement choisir, au moins en
première instance, un juge privé47. Or l'intervention de celui-ci est censée moins attenter à leur
autonomie que l'intervention du juge étatique.
498. À cela, il y a une première raison. Dans l'arbitrage, le choix du droit applicable au
fond du litige est en principe libre. Sous réserve du respect de l'ordre public international ou
de celui des États intéressés, voire d'éventuelles lois de police, les arbitres peuvent non
seulement statuer en application de n'importe quel droit étatique qui aura été choisi, mais
aussi les arbitres peuvent juger hors de l'application de tout droit étatique, soit qu'ils statuent
en amiable compositeur, soit qu'ils statuent sur la base d'un droit anational ou transnational48.
En matière sportive, l'étude des sentences rendues laisse apparaître que cette dernière
possibilité est largement utilisée. Dans la grande majorité des cas en effet, les litiges sportifs
sont résolus au fond par la seule application des règles des institutions sportives intéressées à
la cause. Et s'il arrive que ces règles soient privées d'effet, c'est généralement en application
de principes généraux du droit qui, s'ils ne sont pas, pour la plupart, étrangers aux ordres
juridiques étatiques, ne sont toutefois pas spécifiques à un seul. L'élection d'un droit étatique
déterminé souvent exposé au début des sentences est bien souvent formelle. Le droit choisi
n'est en effet appliqué qu'à titre supplétif, c'est-à-dire dans le cas où l'application des règles
sportives et des principes généraux du droit ne suffirait pas de résoudre l'affaire.
C'est rarement le cas. Le recours à l'arbitrage permet ainsi, dans une certaine mesure, de
soustraire le contentieux sportif au droit étatique49.
499. À cette première raison, s'ajoute une seconde, peut-être moins évidente mais tout
aussi importante. Les arbitres sont des personnes privées investies et choisies par les parties.
Investis par les parties, et non par un quelconque État50, les arbitres n'ont pas, à la différence

47. En ce sens, v. Y. BANIFATEMI, « Le droit au juge et l'arbitrage commercial international »,
in Mélanges G. Cohen-Jonathan, Bruylant, 2004, p. 167. Une formation du TAS a ainsi considéré que sa
compétence ne privait pas un cycliste « de son droit d'accès à la justice tel que prévu par la Constitution
espagnole, dès lors qu'en matière internationale, le recours à l'arbitrage est une modalité d'exercice de
ce droit » (TAS, aff. 2006/A/1119, UCI c/ Landaluze et al., sentence du 19 décembre 2006, publ.
internet, § 40).
48. Sur l'ensemble de la question v. notamment J.-F. POUDRET et S. BESSON, Droit comparé de
l'arbitrage international, Schulthess, 2002, p. 603 et s. ; P. FOUCHARD, E. GAILLARD et B. GOLDMAN,
Traité de l'arbitrage commercial international, Litec, 1996, p. 813 et s. ; C. SERAGLINI, in J. BÉGUIN et
M. MENJUCQ, Droit du commerce international, Litec, 2005, p. 1044 et s.
49. En ce sens, v. notamment C. CHAUSSARD, Les voies de règlement des litiges sportifs, thèse,
Dijon, 2006, spéc. n° 583 et s.
50. S'il a un temps été soutenu que les arbitres tenaient leur pouvoir de juger d'une délégation
étatique, cette thèse est aujourd'hui majoritairement rejetée, tant en doctrine qu'en jurisprudence. Par
exemple, pour la Cour de cassation française, les arbitres « tiennent leurs pouvoirs de la volonté des
parties et non de la puissance publique » (Cass. 1re civ., 18 novembre 1986, Bull. civ. I, n° 266 ; Rev.
arb., 1987, p. 149, note J.-L. DELVOLVÉ ; JDI, 1987, p. 120, note B. OPPETIT ; rev. crit. DIP, 1987,
p. 786, note P. MAYER). L'arbitrage n'est pas une justice déléguée par les États, mais une justice
seulement autorisée par eux. Sur l'ensemble de la question, v. par notamment T. CLAY, L'arbitre, Dalloz,
2001,
p. 195 et s. ; S. BOLLÉE, Les méthodes du droit international privé à l'épreuve des sentences arbitrales,
Economica, 2004, p. 15 et s.
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