Bibliothèque de droit public - Tome 267 - L'arbitrage des litiges sportifs - 316

296

L'ARBITRAGE DES LITIGES SPORTIFS

à l'arbitrage. La position prise par les juridictions italiennes est à ce titre particulièrement
intéressante. Elle l'est d'autant plus que le contexte italien n'est a priori guère favorable à la
reconnaissance du caractère libre du consentement donné par les sportifs licenciés. En Italie,
les fédérations nationales exercent en effet des fonctions de caractère public114.
Traditionnellement, leurs statuts et règlements contiennent une disposition, dite de
contrainte de justice (vincolo di giustizia), dont l'objet est de contraindre les individus
licenciés et les clubs affiliés à recourir aux seuls organes internes à la fédération concernée
pour le règlement des litiges sportifs, à l'exclusion de tout recours aux juridictions étatiques.
Bien que la nature et la légitimité de cette disposition soient discutées115, il est intéressant de
relever que la Cour de cassation italienne a eu l'occasion de la qualifier de « clause
compromissoire pour arbitrage irrituale, fondée, comme telle, sur le consentement des
parties, lesquels adhèrent de leur plein gré aux statuts fédéraux, acceptant ainsi la
soumission aux organes internes de justice »116. Il est toutefois des juridictions étatiques
moins favorables à ce genre de raisonnement.

2. Les cas particuliers
729. Dans certains cas particuliers, le caractère juridiquement libre du consentement
donné par les athlètes aux dispositions sportives compromissoires peut s'avérer douteux. C'est
notamment le cas en droit belge. Selon l'article 13 de la Constitution belge, « nul ne peut être
distrait, contre son gré, du juge que la loi lui assigne ». La Cour d'appel de Gand en a
logiquement déduit que « nul ne peut être soumis contre son gré à l'arbitrage et obligé de
renoncer à son droit de se pourvoir en justice »117, la justice signifiant ici la justice étatique.
Il n'y a jusque-là nulle originalité. Il est en effet communément admis que le recours à
l'arbitrage doit être volontaire. En revanche, là où la jurisprudence belge se distingue, c'est par
la conception qu'elle se fait de l'arbitrage forcé.
730. Une affaire relative à un arbitrage prévu par le règlement intérieur de l'Ordre
français des avocats du barreau de Bruxelles l'illustre. Dans cette affaire, un avocat demandait
aux juridictions belges l'annulation d'une sentence arbitrale qui tranchait un litige l'opposant à
l'un de ses clients à propos du paiement de ses honoraires. Selon lui, cette sentence était
contraire à l'ordre public dans la mesure où le règlement intérieur de son Ordre lui interdisait
de se soustraire à la procédure arbitrale à partir du moment où le client en acceptait la mise en
œuvre sur proposition du bâtonnier. L'article 54 du règlement alors en vigueur prévoyait en
effet qu'un avocat ne pouvait citer l'un de ses clients devant une juridiction étatique à propos
du paiement de ses honoraires qu'avec l'autorisation du bâtonnier et que celui-ci ne devait
accorder cette autorisation qu'à défaut d'avoir obtenu l'accord du débiteur sur le recours à
l'arbitrage. Dans le cas contraire, l'avocat en cause ne pouvait alors se soustraire à cet
arbitrage. Était-ce suffisant pour considérer que, dans ces conditions, la signature d'un
compromis arbitral par un avocat, après qu'il s'est vu refuser par le bâtonnier l'autorisation de
porter son affaire devant les juridictions étatiques, n'était pas libre ?
Le Tribunal de première instance de Bruxelles ne l'a pas entendu ainsi. Il a estimé que, « à
défaut pour l'avocat demandeur d'établir en quoi son consentement à la signature d'une
convention d'arbitrage aurait été contraint et forcé, il ne peut être considéré que la procédure

114. V. supra n° 543.
115. Sur l'ensemble de la question v., en français, V. FORTI, « La justice sportive en Italie :
compétences du juge sportif et du juge étatique », Cah. dr. sport, n° 6, 2006, p. 24
116. Cass. sez civ. I, sent. n° 21006, 27 septembre 2006, ASR Miraglia c/ FIGC. V. également Cass.
sez. civ. I, sent. n° 18919, 28 septembre 2005, ASR Miraglia c/ FIGC & AS Bari. Plus généralement,
v. P. MORO et al., La giustizia sportiva, Experta, 2004, p. 34 et s.
117. CA Gand, civ. 5e ch., 22 mars 1988, Pasicrisie belge, 1988, II, p. 163.

Table des matières de la publication Bibliothèque de droit public - Tome 267 - L'arbitrage des litiges sportifs