Bibliothèque de droit public - Tome 267 - L'arbitrage des litiges sportifs - 406

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L'ARBITRAGE DES LITIGES SPORTIFS

moins certains d'entre eux, semblent en effet retenir une conception du principe de
proportionnalité légèrement différente que celle qui s'impose sous l'angle de l'ordre public.
De plus, quel que soit le droit déclaré applicable à un litige donné, les arbitres font une
constante référence aux solutions dégagées dans les autres sentences rendues sous l'égide du
TAS. Or un nombre non négligeable de sentences ayant été rendues en application du droit
suisse, les appliquer revient à réintroduire des règles de droit étatiques dans des litiges où les
arbitres en avaient pourtant formellement exclu l'application.
937. Il n'en reste pas moins que, même ainsi nuancé, le recours exclusif aux principes
généraux du droit pourra apparaître problématique. Le fondement institutionnel constitue
d'ailleurs une difficulté supplémentaire. En effet, si l'on peut accepter en matière commerciale
que les parties prennent le risque de soumettre leurs contrats à un droit lacunaire, on ne saurait
en revanche admettre qu'une partie impose à l'autre le recours à un mode de règlement des
litiges limitant considérablement ses possibilités d'obtenir gain de cause.
938. Conclusion - L'arbitrage des litiges sportifs est un arbitrage en droit. Les arbitres
disent le droit. Mais quel droit ? Dans tous les cas, ils disent au moins le droit sportif, c'est-àdire les règlements sportifs applicables au litige. C'est là une nécessité logique autant que
juridique. Certains arbitres semblent considérer que le droit sportif pourrait être le seul
applicable devant eux, soit qu'ils l'affirment clairement, soit qu'ils ne déclarent applicable un
autre droit qu'à titre supplétif, c'est-à-dire dans le cas où l'application du droit sportif serait
lacunaire. Le choix exclusif du droit sportif nous paraît devoir être condamné. En effet, il
revient à résoudre un litige par application du droit unilatéralement élaboré par l'une des
parties, sans même laisser à l'autre la possibilité de confronter ce droit à des règles
supérieures. Autrement dit, dans le cas d'un litige opposant une institution sportive à l'un de
ses membres au sujet d'une décision prise par la première en application de ses règlements, il
suffit à l'institution concernée d'avoir respecté ses propres règles pour triompher.
939. Le droit applicable aux litiges sportifs ne saurait donc se limiter au droit sportif sous
la seule réserve de l'ordre public du siège du tribunal arbitral. Un autre droit doit lui être
adjoint. La détermination de celui-ci doit être effectuée dans le respect du principe d'égalité
des compétiteurs. Il importe en effet que les sportifs participant aux mêmes compétitions
disposent de chances égales de contester les décisions ou les règles sportives qui s'imposent à
eux. Par exemple, il ne serait pas tolérable que, pour une même infraction aux règles sur le
dopage constatée à l'occasion du Tour de France, un cycliste échoue à contester devant le
TAS la sanction le frappant quand un autre y parviendrait simplement parce que les arbitres
ont appliqué dans un cas un droit plus protecteur des sportifs que dans l'autre. Pour éviter ce
genre de situations, il convient de faire en sorte que les règles d'une même institution sportive
soient systématiquement confrontées aux mêmes règles de droit.
940. S'agissant des litiges sportifs nationaux, c'est ainsi naturellement le droit étatique
concerné qui doit avoir, le cas échéant, vocation à s'appliquer. S'agissant des litiges sportifs
internationaux, plusieurs solutions sont envisageables. La première consiste à faire application
d'un même droit étatique à tous les litiges mettant en cause une même réglementation
sportive. Une deuxième solution consiste à renoncer à appliquer un droit étatique déterminé et
à ne recourir qu'à des principes généraux du droit non rattachés à un ordre juridique étatique
en particulier. Cette solution, qui a les préférences de certains arbitres du TAS, est a priori
séduisante. Elle semble à la fois correspondre à la nature transnationale de l'activité sportive,
permettre la prise en compte de ses spécificités et borner de manière satisfaisante le pouvoir
des institutions sportives. Néanmoins, l'étude des principes généraux du droit dégagés à ce
jour par les arbitres du TAS conduit à relativiser cette dernière assertion. En effet, parmi eux,
peu sont de véritables principes normatifs s'imposant aux institutions sportives. En outre, il
s'agit de principes si fondamentaux que l'on peut se demander si le simple respect de l'ordre
public international dans sa conception suisse, pourtant restrictive, ne reviendrait pas au
même.

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