Finances publiques et fiscalité - Les transformations de l'ordonnancement juridique douanier en France - 395

LA REFONTE DU DROIT DOUANIER, UNE EXIGENCE DÉSAVOUÉE

377

B. UN PROCÉDÉ DE CONSTATATION DES INFRACTIONS TOUJOURS JUSTIFIÉ 1016. Considérés comme étant à l’origine « d’un déséquilibre en faveur de l’ad‑ ministration, parfaitement indifférente à toute notion d’égalité des armes et ressen‑ tie [comme tel] par le monde du commerce extérieur »146, les procès‑verbaux n’en demeurent pas moins nécessaires pour assurer l’efficacité du droit douanier. Ce mode de preuve fait partie « des dispositions insubmersibles du Code des douanes »147. Par ce procédé, « la douane dispose d’un moyen de preuve particulièrement efficace. L’extraordinaire force probante qui s’attache [à ces documents] lui assure une posi‑ tion privilégiée. (…) Le souci de faciliter l’administration de la preuve, lors de la constatation d’infractions réputées fugaces, a conduit le législateur à accorder aux procès‑verbaux une autorité supérieure à ceux émanant d’autres administrations. Ils constituent une arme dissuasive et efficace qui n’a pas d’équivalent »148. 1017. En plus de leur efficacité, la place importante que continuent d’occu‑ per ces documents dans l’arsenal répressif s’explique par l’existence de diffé‑ rentes garanties apportées aux redevables. D’une part, s’il encadre strictement les voies de recours pouvant être exercées contre les procès‑verbaux, le législa‑ teur impose à la douane de respecter un grand formalisme dans l’utilisation de ce mode de preuve. Les tribunaux ne peuvent admettre contre les procès‑ver‑ baux que des nullités résultant de l’omission d’une formalité prévue par les articles 323‑1, 324 à 334 du Code des douanes. A contrario, ils doivent rejeter les requêtes tendant à annuler des procès‑verbaux au moyen d’éléments de preuve non visés par le Code des douanes. Par exemple, ils ne peuvent pas annuler un procès‑verbal de visite au seul motif que l’administration n’a pas communiqué au redevable le rapport de la Commission européenne justifiant l’engagement des poursuites dans la mesure où il ne s’agit pas d’une condition requise par le Code des douanes149. Ils ne peuvent pas non plus annuler un procès‑verbal qui a été affiché dans les locaux de l’entreprise contrôlée à la demande de l’admi‑ nistration, même si cet affichage n’est prévu par aucun texte150. Par ailleurs, les juges du premier degré ne peuvent pas remettre en question les constats établis par la douane au motif que le requérant vérifié n’a pas été assisté d’un interprète au cours du contrôle de son véhicule, formalité qui n’est pas requise par le législateur151. 1018. D’autre part, la jurisprudence s’efforce de sauvegarder les intérêts152 et les droits fondamentaux153 des requérants en opérant des distinctions parmi les « énonciations des procès‑verbaux. Elle considère que les indications recueillies conformément à la loi demeurent valables lorsqu’elles suffisent à révéler l’existence d’une fraude »154. Toutes celles qui contreviennent à leurs libertés fondamen‑ tales entraînent la nullité de l’ensemble du procès‑verbal et a fortiori des actes
146. J. Pannier, « La preuve en matière douanière », D., 2009, Chronique, p. 1554. 147. Ibid. 148. E. Natarel, Construction communautaire et mutations du droit national : le Code des douanes français en question, Thèse, Université de Grenoble, PUAM, 2004, p. 214‑215. 149. Cass. crim., 7 mai 2002, Société Midi France Distribution, Bull. crim. n° 105. 150. Cass. crim., 21 mai 2005, Société Midi France Distribution, non publié, n° 04.86606. 151. Cass. crim., 3 février 1992, Kurt X., Bull. crim. n° 45. 152. Cass. crim., 22 septembre 2004, Société Mondia Kirwan, non publié, n° 03.83943. 153. Cass. crim., 3 novembre 1982, Pierre X., Bull. crim. n° 237. 154. Ibid.

Finances publiques et fiscalité - Les transformations de l'ordonnancement juridique douanier en France

Table des matières de la publication Finances publiques et fiscalité - Les transformations de l'ordonnancement juridique douanier en France