Finances publiques et fiscalité - Les transformations de l'ordonnancement juridique douanier en France - 45

L’UNION DOUANIÈRE, UN MODE D’INTÉGRATION CRITIQUABLE

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pu l’être »45. On en trouve une autre illustration dans les travaux d’A. Arnauné46. Pour ce magistrat de la Cour des comptes, si Colbert a souhaité faire disparaître les frontières douanières intérieures, cette réforme avait en réalité pour finalité de rationaliser le fonctionnement du système financier. Selon lui, cette clarification est passée par l’adoption d’une réglementation fiscale et tarifaire rigoureuse47. 59. Enfin, on remarque que cette réforme n’a pas conduit à une unification du territoire fiscal et douanier et, qu’à ce titre, la portée qu’il convient de lui accorder doit être mesurée avec circonspection. En décidant de repousser les fron‑ tières douanières, Colbert a certes permis l’émergence d’une libre circulation des marchandises et la réorganisation du territoire par la création d’une « association des provinces douanières »48. Pourtant, sa réforme n’a concerné qu’un espace géo‑ graphique limité et n’a pas supprimé tous les péages douaniers. Ces derniers n’ont disparu qu’à la Révolution de 1789. R. Stourm observait à ce titre que les « idées de libre‑échange [qui se sont] répandues dans le pays depuis le milieu du xviiie siècle ne pouvaient plus se concilier avec l’existence des barrières dans lesquelles les (…) gouvernements s’étaient (…) renfermés. Refondre l’œuvre de Colbert est devenu [à la Révolution. une entreprise nécessaire et considérable »49. C’est ce que rappelait encore récemment J.‑Cl. Renoue : « si l’on doit à Colbert d’avoir tenté de mettre [en place] un instrument douanier unique, (…) son tarif ne sera accepté que par les provinces de la Ferme Générale (…). Il a échoué dans ses efforts d’unification du Royaume »50. Cette absence d’uniformisation est d’autant plus flagrante que Colbert n’a pas non plus supprimé les droits d’octroi. Apparue xiie siècle, cette catégorie de prélèvement obligatoire frappait la vente des produits de consom‑ mation courante51. Leurs taux d’imposition étaient fixés librement par chaque commune, ce qui faisait augmenter le prix de vente des marchandises selon le lieu où ces dernières étaient commercialisées. Les droits d’octroi seront supprimés au moment de la Révolution52, avant d’être rétablis par la loi du 9 germinal an V53. Ils ne seront définitivement supprimés qu’au milieu du xxe siècle54.
45. A. Bailly, Histoire financière de la France depuis l’origine de la Monarchie jusqu’à la fin de 1786, Paris, Moutardier, 1830, p. 446. 46. A. Arnauné (1855‑1926) fut Professeur à l’École libre des Sciences Politiques. Après avoir occupé les fonctions de Conseiller‑maître à la Cour des comptes puis celles de Directeur des Mon‑ naies et Médailles, il devint membre de l’Académie des Sciences morales et politiques en 1912 avant de la présider à compter de 1924. Féru de finances publiques et plus particulièrement des questions douanières, il rédigea en 1911 un ouvrage sur le droit douanier (v. infra). Par ailleurs, dans le cadre de ses enseignements, il dirigea des travaux de recherche sur le droit douanier  : v.  par exemple, Ch. D. Staicovci, Étude économique sur les tarifs de douane en Roumanie, 1889, 83 p. 47. A. Arnauné, Le commerce extérieur et les tarifs des douanes, Paris, F. Alcan, 1911, p. 4. 48. R.  Stourm, Les finances de l’Ancien Régime et de la Révolution, Paris, Guillaumin, 1885, tome 1, chapitre IV, p. 472. 49. Ibid., tome 2, p. 1 et p. 17. 50. J.‑Cl. Renoue, La douane, PUF, coll. Que sais‑je ?, n° 386, 1989, p. 7. 51. E.  Allix et M.  Lecerclé, Les contributions indirectes. Traité théorique et pratique, 3e  éd., Paris, A. Rousseau, 1929, tome 2, p. 385 et s. ; J. David, « Les octrois et leur suppression », Revue de droit français et étranger, n° 4, 1988, p. 570 et s. 52. Décret des 19 et 25 février 1791 supprimant les droits d’entrée, Recueil Duvergier, p. 241. 53. Loi du 9 germinal an V, Recueil Duvergier, p. 91 ; v. pour plus de développements A. Leclerc, L’octroi de Lyon, 5 fructidor an VIII – 28 avril 1816, Mémoire de Master 2 Recherche, Université Jean Moulin de Lyon 3, Coll. des mémoires de l’équipe de droit public, n° 3, 2006, p. 14‑30. 54. L’État a progressivement supprimé les droits d’octroi. V. notamment la loi du 6 novembre 1941 relative à la taxe municipale sur les ventes en détail et les prestations de service, JORF du 7 novembre 1941 ; loi du 2 juillet 1943 relative à la suppression de l’octroi de Paris, JORF du 3 juillet 1943 et le décret n° 48‑1986 du 9 décembre 1948 portant réforme fiscale, JORF du 1er janvier 1949.
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