Hors Collection - La nouvelle administration financière et fiscale - 101

MARIE-CHRISTINE ESCLASSAN

tions humanitaires, ou tenant à la bienveillance ou à l’équité, accorder ce qui revient finalement à un abandon de créance.

1) Une réévaluation positive du dispositif dans la période contemporaine
Alors que le pouvoir gracieux en matière fiscale a le plus souvent suscité des préventions dans la doctrine – G. Jèze évoquait « un pouvoir discrétionnaire qui ne va pas sans inconvénient » et exprimait sa crainte qu’il soit « exercé sans impartialité et sous des influences inavouables » (Cours de finances publiques, LGDJ, 1936), il a bénéficié dans la période contemporaine d’une pertinence renforcée. Il en a été ainsi à la faveur des réflexions qui ont été développées depuis plusieurs années sur l’intérêt d’une « justice sans le juge » 3 (et à l’attention plus généralement portée à tous les instruments favorisant un règlement plus rapide des conflits et permettant de tenir compte de principes d’équité). Portés par ce mouvement, les dispositifs gracieux ont pu être appréhendés comme donnant aux contribuables des avantages équivalents aux recours juridictionnels, en étant susceptibles de produire des effets aussi avantageux sinon plus.

2) Des pouvoirs gracieux étendus 4
Selon les dispositions de l’article L. 247 du LPF, la compétence de l’administration en la matière est plus ou moins étendue selon qu’il s’agit de droits en principal ou de sanctions. S’agissant des droits en principal, sa compétence est en effet délimitée dans la mesure où selon une tradition ancienne et bien établie certains impôts (droits d’enregistrement, contributions indirectes, taxes sur le chiffre d’affaires) sont exclus du champ gracieux (v. par exemple CE, 1er déc. 1993, no 133170, confirmant que le directeur des services fiscaux est tenu de rejeter une demande tendant à une remise de droit en matière de TVA). Pour les droits en principal, la décision gracieuse n’est ainsi possible que pour les impôts directs, le législateur subordonnant par ailleurs son octroi à la situation d’indigence ou de gêne ou du contribuable, ce dernier critère faisant l’objet d’interrogations dans la doctrine compte tenu de son caractère flou. Pour les sanctions, en revanche, les pouvoirs de l’administration sont très largement ouverts, puisque le législateur contrairement aux droits en principal n’a posé en la matière aucune condition ni aucune limite. Au total l’administration dispose donc d’une compétence très large même si les décisions gracieuses peuvent, comme toute décision administrative faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir. Dès lors en effet qu’elles relèvent d’une faculté
3. Selon l’expression de L. RICHER, in « Les modes alternatifs de règlement des litiges », AJDA, 1997, no 1. 4. Pour une réflexion sur le sujet v. notamment M.-C. ESCLASSAN, « Les pouvoirs gracieux en matière fiscale, entre archaïsme et modernité », in Confluences, Mélanges en l’honneur de J. MorandDeviller, Montchrestien, 2009.

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