Systèmes Pratique - États et marchés financiers - 1re - 45

Le rôle des États dans le développement des marchés financiers au

III.

XIX

e

siècle

Le marché financier allemand, au service
de l'industrie nationale

A. La banque « universelle », soutien du marché
des capitaux
Entre 1870 et 1914, la part de l'Allemagne dans la production industrielle
mondiale s'éleva de 13 % à 16 %, alors que celle de la Grande-Bretagne se
réduisit de 32 % à 14 %, et celle de la France de 10 % à 6 %, celle des
États-Unis passant, elle, de 23 % à 32 %72. La croissance économique de
l'Empire allemand ne tint pas seulement à la conquête des départements
de l'Est de la France, à l'accroissement de son territoire, de ses richesses
et de sa population - de 41,1 millions d'habitants à 64,9 millions en 191173 -,
mais également à son organisation financière et sociale.
Le développement du pays fut lié à de nouvelles élites qui s'investirent
dans l'activité économique, parce qu'elles ne pouvaient pas accéder aux
plus grandes responsabilités politiques ou administratives. Ainsi, « dans la
mesure où le système politique prussien, puis wilhelmien, n'était pas
"démocratique", au sens parlementaire Troisième République du terme, les
élites bourgeoises et intellectuelles virent dans l'activité économique un
moyen de promotion sociale et d'accession au pouvoir (à un certain pouvoir
sans doute) », de sorte que « laissant l'administration, au sens large, aux
élites de naissance pour le sommet, aux médiocres pour le reste, les
"meilleurs", hors noblesse, exercèrent leur énergie, leur ambition dans
l'entreprise privée »74. D'autre part, et surtout, l'Empire allemand était doté
d'un système bancaire très performant dont le coeur était les Grossbanken,
les banques « universelles », dites encore « mixtes »75, car elles se livraient
« à toutes les activités possibles - emplois à court terme comme emploi à
long terme »76. Ces banques animaient le marché des capitaux en jouissant
72. Cf. BEZBAKH P., « L'Allemagne, une nouvelle grande puissance en 1914 », Le Monde, 17 févr.
2014, en ligne.
73. L'augmentation de la population allemande était d'abord endogène c'est-à-dire
indépendante de l'intégration des Alsaciens-Mosellans. La France, sans l'AlsaceMoselle, passa, elle, de 36,1 à 39,6 millions d'habitants. Cf. Jean-Pierre Baux, « 1914 :
une France démographiquement affaiblie », Population & Avenir, 2014, nº 717, p. 14-16.
74. BRODER A., « La politique industrielle et financière de l'Allemagne et de la France : étude
comparative des résultats » in LEVILLAIN P. et RIEMENSCHNEIDER R. (dir.), La Guerre de 1870/71
et ses conséquences, 1990, Bouvier Verlaag Bonn, p. 366-384 (nous changeons le temps
des verbes, R.P.).
75. BONIN H., « Les relations bancaires franco-allemandes (1900-1970) : admiration, guerre
économique et coopération de voisinage » in ECK J.-F., MARTENS S. et SCHIRMANN S. (dir.),
L'économie, l'argent et les hommes. Les relations franco-allemandes de 1871 à nos jours,
2009, CHEFF, pp. 357-382.
76. MARGUERAT P., Banques et grande industrie, op. cit. p. 135. Pour une analyse comparée du
développement des banques, voir BRODER A. « El establecimiento de la banca moderna en
la Europa del Noroeste : Alemania, Francia y Gran Bretaña desde el siglo XIII hasta la Gran
Guerra Europea de 1914-1918 », Revista Electrónica de Fuentes y Archivos Centro

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