Systèmes Pratique - États et marchés financiers - 1re - 75

Le rôle des États dans la répression des marchés financiers au

siècle

France car l'État y mena une politique tendant à détourner à son profit une
part essentielle des disponibilités des institutions bancaires et des
assurances.

B. L'assèchement des marchés financiers français
Au cours de l'Occupation, le régime de Vichy réforma la Bourse dans le
but de limiter la spéculation tout en spoliant les agents de change et
coulissiers juifs. Il mit en place, au profit de l'État, les bases d'un système
de captation des ressources financières nationales qui perdura longtemps
après la Libération et qui eut pour effet d'assécher durablement les
marchés financiers.

1. La spoliation des coulissiers juifs et la limitation
de la spéculation boursière
La Bourse de Paris fut fermée le 10 mai 1940 mais les cotations reprirent
le 15 octobre 1940 sur les rentes et les obligations, le 3 mars 1941 sur les
actions françaises pour le Parquet et le 19 mars pour la Coulisse, sachant
que seules les opérations au comptant furent autorisées, le marché à terme
restant donc interdit car les Allemands se méfiaient d'un marché spéculatif.
Comme dans les autres professions, les juifs du monde de la finance
furent victimes de l'« aryanisation »61 de leurs biens, c'est-à-dire qu'ils en
furent spoliés62 : 46 maisons de banques sur 90 furent frappées, 4 charges
d'agent de change sur 7063. Ces mesures, qui s'inscrivaient dans le
« processus administratif » de « destruction des Juifs d'Europe »64,
privèrent la place financière de Paris de précieuses compétences.
Avec la loi du 14 février 1942, « tendant à l'organisation et au
fonctionnement des bourses de valeurs », le gouvernement de Vichy
légalisa la Coulisse en la baptisant « marché des courtiers en valeurs » et
« en lui donnant un monopole similaire à celui des agents de change »,
avec l'objectif de « mettre fin à la spéculation boursière »65. Les banquiers
en valeurs devinrent ainsi des « courtiers en valeurs », ayant un monopole de
droit sur toutes les valeurs non inscrites au parquet. Mais ils n'eurent plus le
droit d'être banquier et ils furent soumis à un numerus clausus de 40 (qui fut
porté à 46 en 1945), ce qui représentait une division par deux du nombre
d'intermédiaires. La loi du 14 février 1942 fut confirmée par l'ordonnance
61. AGLAN A., « L'aryanisation des biens juifs sous Vichy : les cas comparés de la France et de
l'Allemagne », Revue d'histoire moderne et contemporaine, 2002/4, nº 49-4, p. 154-169.
62. Cf. not. ANDRIEU C., « Écrire l'histoire des spoliations antisémites (France, 1940-1944) »,
Histoire@Politique. Politique, culture, société, sept.-déc. 2009, nº 9, en ligne.
63. Voir not. DREYFUS J.-M., Pillages sur ordonnances : l'aryanisation des banques juives en
France, 1940- 1952, 2003, Fayard.
64. « La destruction des Juifs fut un processus administratif ; leur annihilation exigea
l'application, étape par étape, de mesures administratives systématiques » : HILBERG R.,
La destruction des Juifs d'Europe, 1985, Fayard, p. 16.
65. BOZIO A., La capitalisation boursière en France, op. cit., p. 28.

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