Systèmes Pratique - États et marchés financiers - 1re - 79

Le rôle des États dans la répression des marchés financiers au

siècle

4. La nationalisation des banques et assurances
La loi du 2 décembre 1945 opéra également une nationalisation de jure
de la Banque de France, l'État devenant son unique actionnaire. La Banque
de France administra un système de soutien aux secteurs de l'économie
jugés prioritaires par une politique qui jouait sur la quantité et le coût des
liquidités, afin d'encourager ou de pénaliser la distribution de crédits
destinés à certaines opérations (investissements, exportations etc.) ou à
certaines entreprises. Comme l'a écrit M. Pierre-Henri Cassou, la
législation financière de la Libération « traduisait clairement l'orientation
très dirigiste de la politique économique et financière française » qui
« tranchait avec les options prises » par les États voisins73. L'État
s'octroya ainsi la responsabilité de définir les objectifs de croissance du
crédit et de la masse monétaire et de direction du système bancaire et
financier.
La nationalisation des banques commerciales et des principales
assurances réduisit « de moitié environ la capitalisation boursière des
actions françaises »74. Cette situation perdura longtemps sachant que, selon
M. David Le Bris, « les entreprises françaises ne distribuaient pas plus de
dividende en 1965 qu'en 1883, alors qu'entre-temps le PIB avait été
multiplié par 5 »75. M. Youssef Cassis constate lui aussi que « beaucoup
plus qu'en Grande-Bretagne, cette emprise étatique conduisit à asphyxier
le marché des capitaux de Paris, non seulement en ce qui concerne les
émissions étrangères, pratiquement nulles durant cette période
[entre 1945 et 1970], mais également celles des entreprises françaises, qui
ne s'élevèrent qu'à 3,5 % du PIB dans les années cinquante contre 5 %
autour de 1900 et 11 % vers 1913 »76. En conséquence, les valeurs
françaises restèrent longtemps très en retrait de leurs concurrentes
étrangères.
De surcroît, la création et le développement des assurances sociales
publiques, gérées en répartition, privèrent les marchés financiers de
ressources auxquels ils avaient accès dans les pays anglo-saxons, par le
jeu des assurances privées en capitalisation77. D'une façon générale, la
politique financière de l'époque aboutit à faire régresser l'épargne à long
terme et les marchés financiers ne jouèrent plus qu'un faible rôle
économique par rapport au passé : alors que la capitalisation boursière
était de 11 milliards de francs-or en 1882, soit 20 % environ du PIB, elle
73. CASSOU P.-H., « La réglementation bancaire, entre intérêt général et intérêts particuliers »
in BONIN H. et FIGUET J.-M. (dir.), Crises et régulation bancaires. Les cheminements de
l'instabilité et de la stabilité bancaires, Droz, 2016, p. 243-269.
74. HAUTCOEUR P.-C., « Le système financier français depuis 1945 », Risques, janv.-mars 1996,
no 25, p. 135-151.
75. LE BRIS D., Les actions françaises depuis 1854 : analyses et découvertes, Thèse d'économie,
Université d'Orléans, 2011, p. 23 (nous changeons le temps des verbes, R.P.).
76. CASSIS Y., Les Capitales du Capital. Histoire des places financières internationales 1780-2005,
2008, Honoré Champion, p. 297.
77. Cf. PELLET R. et SKZRYERBAK A., Droit de la protection sociale, op. cit.

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