Hors collection - La Constitution marocaine de 2011 - 362

` ` ´ 358 LES REGLES RELATIVES A LA REVISION CONSTITUTIONNELLE

composant, l’exigence de la majorité renforcée des deux tiers, reprise par le texte de 2011, limite naturellement les pouvoirs du parlement. Pour reprendre une remarque faite par le professeur Rousset en 1993, cette exigence « (...) témoigne de la rigidité que le constituant a (...) voulu conférer au texte constitutionnel mis ainsi à l’abri de modifications que pourraient souhaiter des majorités de rencontre » 44. En revanche, la nouvelle Constitution innove sur un autre plan, avec l’institution inédite – à la seule initiative du roi, il est vrai 45 –, d’un mode de révision parlementaire, prévu par l’article 174, alinéas 3, 4, 5 et 6. Saisi d’un « projet de révision », le parlement est alors convoqué par le roi en chambres réunies pour se prononcer sur ce projet, et le cas échéant, pour l’adopter à la majorité des deux tiers de ses membres. Cette innovation appelle trois remarques. En premier lieu, on peut noter que ce procédé représente une amélioration significative en termes d’adaptabilité de la Constitution, dans la mesure où il permet, notamment sur des questions techniques ou mineures, de faire évoluer la norme constitutionnelle sans pour autant recourir aux ` lourdeurs de la procédure référendaire. A cet égard, il correspond à l’approche réaliste de la Constitution adoptée par le roi Mohammed VI, mais déjà exprimée par son prédécesseur qui, dans le discours du trône du 3 mars 1992, reconnaissait que, « (...) quels que soient leurs mérites, les institutions ne sauraient demeurer immuables ni intangibles. Au contraire, Notre effort pour suivre les mutations qui interviennent dans Notre société doit être permanent » 46. La souplesse est l’une des qualités majeures de toute Constitution, en particulier dans un monde qui change aussi rapidement que le nôtre. Mais comment assurer une telle souplesse à la norme fondamentale ? En 1992, toujours, le roi Hassan II, évoquant la nouvelle Constitution, soulignait qu’il ne s’agit pas d’une Constitution figée et que « (...) sans qu’il soit besoin d’un autre référendum, notre Constitution en tant que telle, est susceptible d’évolution » 47. On saisit le problème : comment le pourrait-elle, alors que l’article 99 de la Constitution de 1992, précise qu’une révision n’est définitive qu’après avoir été approuvée par référendum ? Dans ce cadre, les seules évolutions peuvent être, au mieux, coutumières ou « conventionnelles » 48, ou, au pire, franchement irréguliè` res. A cet égard, l’innovation prévue par la Constitution de 2011 – qui
44. Michel Rousset, « La révision constitutionnelle », op. cit., p. 306. 45. De même, en France, la procédure de l’article 89, alinéa 3, ne concerne que les projets de révision, à l’exclusion des propositions. 46. Cité in Michel Rousset, « La révision constitutionnelle », op. cit., p. 316. 47. Ibid., p. 322. 48. Sans utiliser le terme, acclimaté quelques années plus tard seulement dans le monde francophone, de « conventions de la Constitution », c’est, semble-t-il, à un phénomène de ce type que fait allusion Abdeltif Menouni lorsqu’il évoque, en 1993, le fait que la « (...) prérogative royale en matière constitutionnelle peut s’exprimer au niveau de l’interprétation de la Constitution soit sur demande des partis politiques, soit par l’initiative propre du Souverain. Ainsi, l’interprétation donnée pendant des années à l’article 3 de la Constitution [de 1972] s’est-elle trouvée modifiée en 1984, inaugurant une nouvelle expérience constitutionnelle conférant le monopole des candidatures aux partis politiques pour les élections des députés

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