Manuels - Introduction historique au droit (XIIIe-XXe siècle) - 4e - 161

Le renouveau de la pensée juridique par exemple aux papes des IIe et IIIe siècles, étaient des faux composés vers le milieu du IXe siècle (dont les Fausses Décrétales)16. Toutefois, ces écrits avaient servi de support à l'élaboration et à l'évolution du droit depuis des générations ; faux ou authentiques, ils étaient le fondement de règles juridiques dont nul n'envisageait la remise en cause. Cette même école historique favorisa l'essor du droit français. §3. L'école historique et la conception d'un droit français17 A. La réorganisation des universités 164. Elle permet de dater d'une façon simple mais quelque peu schématique une sorte de reconnaissance officielle de l'existence d'un droit français et de son importance. Jusqu'au milieu du XVIIe siècle, le droit romain et le droit canonique constituaient les seules matières enseignées en France dans les facultés de droit, peu préoccupées de la pratique juridique. En outre, les universités connaissaient un grave déclin et les diplômes y étaient conférés sans véritable contrôle. Louis XIV voulut porter remède à cette situation. En ce qui concerne plus spécifiquement les facultés de droit, la monarchie se soucia alors de former des juristes compétents. L'édit de Saint-Germain-en-Laye d'avril 1679 (art. 14) instaure dans les facultés de droit un enseignement du « droit français »18, consacré essentiellement à l'étude des ordonnances royales et des coutumes. Les professeurs reçoivent mission d'enseigner « les principes du droit français en général », tâche complexe car il s'agit de dégager les principes de cette 16. Sur les faux fabriqués par les canonistes du IXe siècle, voir : J. GAUDEMET, Les sources du droit canonique - e e VIII -XX siècles, Paris, Cerf, 1993, p. 29-35 et J. IMBERT, Les temps carolingiens (741-891), L'Église, 2 vol., Paris, Cujas, 1994 et 1996, coll. Histoire du droit et des institutions de l'Église en Occident, t. V, vol. 1 et 2. À cette époque, des canonistes (évêques, abbés, simples clercs) constatent un certain nombre de désordres dans l'Église et souhaitent des réformes. Ils rédigent diverses dispositions qui, si elles étaient appliquées, devraient, selon eux, permettre cette réforme. Afin de donner autorité à ces règles, les auteurs attribuent ces préceptes à quelques hauts personnages, de l'Église primitive le plus souvent. Certes, ces textes peuvent être qualifiés de « faux ». Ils furent néanmoins composés pour le bien de l'Église et orientèrent souvent durablement l'évolution tant de la vie de l'Église que du droit canonique. Les Fausses Décrétales, l'un des plus célèbres recueils de faux, furent composées dans la seconde moitié du IXe siècle. Elles contiennent des textes fabriqués de toutes pièces et attribués aux papes des trois premiers siècles. On y trouve aussi des textes (canons conciliaires ou décrétales pontificales) modifiés par les faussaires, ainsi qu'un certain nombre de décrétales authentiques. Visant la réforme de l'Église, les Fausses Décrétales tentent, entre autres objectifs, de renforcer l'autorité de l'évêque. Ce recueil fut très souvent utilisé par tous les canonistes des siècles suivants, et son authenticité ne fut pas mise en doute jusqu'au XVIe siècle. 17. J.-L. THIREAU, « Le comparatisme et la naissance du droit français », Rev. d'hist. Fac. dt, 1990, no 10-11, p. 153-192. Deux numéros de la revue Droits... sont spécifiquement consacrés à la Naissance du droit français : nº 38, 2003 (avec des articles permettant de situer quand et comment le droit français prend sa place, au début des Temps modernes, par rapport au droit romain, mais aussi comment se forme un droit administratif) ; nº 39, 2004 (avec de beaux articles sur plusieurs juristes français des Temps modernes ; G. LEYTE, Charondas le Caron ; M.-F. RENOUX-ZAGAMÉ, Domat ; J.-L. THIREAU, Lamoignon ; et, pour des périodes plus récentes : J.-L. SOURIOUX, Pothier ; Q. EPRON, Camus ; J. BOUDON, Cambacérès) ; J. KRYNEN et M. STOLLEIS (dirs.), Science politique et droit public dans les Facultés de droit européennes, XIIIe-XVIIIe siècles, Francfort s. Main, 2008. 18. ISAMBERT, t. XIX, p. 199. 161

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