Manuels - Introduction historique au droit (XIIIe-XXe siècle) - 4e - 257

La coutume. De l'autonomie au contrôle du prince l'esprit des coutumes, les principes généraux. Grâce à cette méthode, la doctrine progresse dans sa construction d'un droit commun coutumier qui, pour ces auteurs, constitue le droit français. L'un des premiers grands auteurs coutumiers fut Charles Dumoulin (15001566), publiant en 1539 son Commentaire de la Coutume de Paris. Ardent défenseur du pouvoir royal, il combattait tant la féodalité que la puissance de l'Église dans la société. Un temps calviniste, ce fut ensuite en gallican convaincu qu'il s'opposa à la réception en France des décrets du Concile de Trente. N. Warembourg montre que Dumoulin, et bien d'autres jurisconsultes de l'ancien droit, n'opposaient pas droit romain et droit coutumier, mais utilisaient fréquemment la ratio scripta du droit romain pour éclairer les coutumes13. Pourtant, si Dumoulin eut des disciples et fut considéré comme créant une école, il n'obtint pas l'adhésion de tous ses contemporains, parfois plus attachés aux particularismes locaux. Citons Bertrand d'Argentré (1519-1590) magistrat à Rennes, qui commenta la Coutume de Bretagne de 1539 et influença la réformation de 1580. Dumoulin et d'Argentré soutenaient des thèses divergentes. Le premier était à la recherche d'un droit commun coutumier forgé à partir du texte parisien, alors que le second défendait le particularisme breton et le maintien des structures féodales. Toutefois, tous deux empruntaient au droit romain ; ainsi, d'Argentré reprit à Bartole la « théorie des statuts », encore fondamentale dans le droit international privé actuel14. Guy Coquille (1523-1603) est resté célèbre tant pour son commentaire de la Coutume du Nivernais, traitant d'une coutume particulière, que pour son Institution au droit des Français, où il envisage l'ensemble du droit coutumier du royaume en effectuant des rapprochements entre provinces, ou encore pour ses Questions, réponses et méditations sur les articles des coutumes15, dont l'objectif est assez similaire. René Choppin commente la Coutume de Paris, ainsi que celle d'Anjou, province dont il est originaire, Pierre Pithou celle de Troyes, etc. La recherche d'unification guide le juriste Pierre Guenoys qui publie en 1596 son ouvrage intitulé Conférence des coutumes tant générales que locales et particulières du Royaume de France, travail dans lequel il tente des comparaisons et rapprochements entre coutumes, comme l'indique le terme même de « conférences » et qui connut un grand succès. 306. Dès 1607, Antoine Loisel (1536-1617), dont nous avons déjà parlé, publie les Institutes Coutumières, l'un des plus célèbres ouvrages de cette époque. Le titre est significatif d'une double volonté : se référer au droit 13. N. WAREMBOURG, « Le 'droit commun coutumier', un exemple paradoxal d'acculturation juridique », in B. COPPEIN, F. STEVENS, L. WAELKENS (dir.), Modernisme, tradition et acculturation juridique, Bruxelles, Peeters Publishers, 2011, p. 161-171. L'ouvrage essentiel relatif à Dumoulin demeure celui de J.-L. THIREAU, Charles Du Moulin, Genève, Droz, 1980 ; idem, « Charles Du Moulin, avocat », Revue de la société internationale d'histoire de la profession d'avocat, no 10, 1998, p. 9-27. 14. Le statut personnel implique application de la coutume du domicile pour toute affaire relative à la condition de la personne. Le statut réel implique application de la coutume du lieu où sont situés les biens dont il est question. 15. J.-L. THIREAU, « Préfaces de Guy Coquille, présentation et choix de textes », Rev. d'hist. Fac. dt, 1998, no 19, p. 217-251. 257

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