Manuels - Introduction historique au droit (XIIIe-XXe siècle) - 4e - 36

INTRODUCTION HISTORIQUE AU DROIT résidence royale de Paris, le conflit entre le roi de France Louis XI et le duc de Bourgogne Charles le Téméraire (1467-1477), pour ne citer que quelquesunes des crises majeures. Où est le pouvoir dans de tels moments ? De quels moyens dispose-t-il, où trouve-t-il des appuis et à qui se heurte-t-il ? Les réponses sont souvent hésitantes, incertaines ou font totalement défaut. Variations qui tiennent parfois à la formation intellectuelle de l'auteur, à son appartenance au groupe des théologiens, des philosophes ou des juristes. 15. Des doctrines multiples21. - On retrouvera plus loin les Maîtres et les « publicistes » qui, dès le XIIIe siècle, ont réfléchi sur le Pouvoir, ses formes et ses limites. Point de doctrine « régnante », officielle ou imposée, mais des apports multiples, dont certains devaient être appelés à une belle fortune. La diversité des réponses et la vivacité des oppositions de personnes ou « d'écoles » frappent ; la vigueur des propos, des critiques ou des condamnations surprend22. Le temps n'est pas à la « doctrine unique ». On en donnera quelques exemples, qu'il s'agisse de la notion même de « chose publique », de la souveraineté, des caractères de la royauté, de la fonction royale, des rapports du roi avec les deux instances qui, à des titres divers, prétendent à une « domination universelle ». 1. « La chose publique » 16. La faiblesse du pouvoir royal, la multiplicité des territoires qui se veulent autonomes, le peu de réflexions sur des notions abstraites, expliquent que le haut Moyen Âge ait perdu le souvenir de la notion d'État. Si l'héritage romain a laissé survivre res publica, le terme est vague. Il ne s'entend évidemment pas du régime politique « républicain » et varie d'acception selon ceux qui l'emploient et les lieux auxquels il se réfère23. Peu à peu, l'État reparaît dans les réalités politiques comme dans les doctrines des savants. En France, le pouvoir royal reprend la primauté. Le roi est maître incontesté d'un domaine qui s'étend24. Il se détache des grands féodaux qui l'environnent. Il triomphe de coalitions étrangères25 et rejette toute « supériorité » impériale ou pontificale. Les docteurs constatent cette 21. E. CORTESE, « Legisti, canonisti, feudisti ; la formazione di un ceto medievale », Università e società nei secoli XII-XVI, Convegno Pistoia, 1979, éd. Pistoia, 1983, p. 195-281 ; J. GIORDANENGO, « Les droits savants au Moyen Âge », BEC, 148, 1990, p. 439-476, avec une importante bibliographie. 22. J. KRYNEN, « Théologie et droit dans la science politique de l'État moderne », Table ronde Théologie et droit, École française de Rome, 1987, coll. Éc. fr. de Rome, no 147, 1991, p. 171-198. À l'époque de Charles V, en France, « les légistes » se font traiter « d'idiots politiques ». Pour Nicolas Oresme, grand Maître du collège de Navarre (1356), évêque de Lisieux (1377-1382), les juristes, esprits bornés, croient à l'immutabilité du droit. 23. Y. SASSIER, « L'utilisation du concept de res publica en France du Nord aux Xe, XIe, XIIe siècles », Droit savant... ; Y. SASSIER, Structures du pouvoir, royauté et res publica, Rouen, Presses de l'université de Rouen, 2004 ; pour les Pays-Bas, consulter J.-M. CAUCHIES, « Pouvoir législatif et genèse de l'État dans les Principautés des Pays-Bas », Renaissance..., p. 59-74. 24. Pour le Domaine royal, infra, nº 39 et s. 25. Bouvines (1214) prend à cet égard valeur de symbole. 36

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