Manuels - Introduction historique au droit (XIIIe-XXe siècle) - 4e - 365

Autour du Code civil de 1804 D'importants éléments furent toutefois repris dans le célèbre Discours Préliminaire. Ce texte relativement long (70 pages), signé par les quatre rédacteurs, avait été rédigé par Portalis et reflétait ses conceptions personnelles. Le Discours fut prononcé par Portalis devant le Conseil d'État, lors de la présentation du projet de la commission et marqua immédiatement les esprits. Depuis deux siècles, il demeure aussi notable, célébrité méritée tant par son contenu que par la rigueur et la clarté de sa rédaction. Il demeure une référence doctrinale essentielle pour notre droit français. Portalis expose l'œuvre réalisée, les méthodes suivies et le travail fourni, le choix des sources et l'équilibre entre ces sources ; but poursuivi et fonctions mêmes d'un code qui ne peut pas, et ne doit pas, prévoir tous les détails, mais doit permettre au jurisconsulte ou au juge de trouver une solution à tout litige. Autre caractère d'un code, il convient d'éviter les bouleversements profonds du droit existant, tout en demeurant ouvert à toute possibilité d'évolution future. Après ce magistral exposé sur ce qu'est le droit, la loi, le code, Portalis passe en revue les principales questions qui ont retenu l'attention de la commission. Il s'agit tout d'abord des personnes ; à ce propos, il consacre une vingtaine de pages, non pas à l'ensemble des questions relatives au droit des personnes, mais au droit de la famille : mariage, divorce, autorité paternelle... Puis, pour reprendre sa formule, « après avoir parcouru tout ce qui est relatif aux personnes, nous nous sommes occupés des biens. Il est diverses espèces de biens. Il est diverses manières de les acquérir et d'en disposer ». Le Discours Préliminaire enchaîne sur les contrats de mariage et les successions17. 17. À titre d'illustration, quelques brefs extraits du Discours Préliminaire, tous empruntés aux premières pages du Discours, où Portalis expose sa conception du droit, de la loi et d'un code : « Un bon Code civil pouvait-il naître au milieu des crises politiques qui agitaient la France ? Nous appelons esprit révolutionnaire, le désir exalté de sacrifier violemment tous les droits à un but politique, et de ne plus admettre d'autre considération que celle d'un mystérieux et variable intérêt d'État. Ce n'est pas dans un tel moment que l'on peut se promettre de régler les choses et les hommes, avec cette sagesse qui préside aux établissements durables... « De bonnes lois civiles sont le plus grand bien que les hommes puissent donner et recevoir ; elles sont la source des mœurs, le palladium de la propriété et la garantie de toute paix publique et particulière... Elles consolent chaque citoyen des sacrifices que la loi politique lui commande pour la cité, en le protégeant, quand il le faut, dans sa personne et dans ses biens, comme s'il était à lui seul la cité tout entière... « Les lois ne sont pas de purs actes de puissance ; ce sont des actes de sagesse, de justice et de raison. Le législateur exerce moins une autorité qu'un sacerdoce. Il ne doit point perdre de vue que les lois sont faites pour les hommes, et non les hommes pour les lois ; qu'elles doivent être adaptées au caractère, aux habitudes, à la situation du peuple pour lequel elles sont faites ; qu'il faut être sobre de nouveautés en matière de législation... « Nous nous sommes également préservés de la dangereuse ambition de vouloir tout régler et tout prévoir... Une foule de choses sont donc nécessairement abandonnées à l'empire de l'usage, à la discussion des hommes instruits, à l'arbitrage des juges. L'office de la loi est de fixer, par de grandes vues, les maximes générales du droit ; d'établir des principes féconds en conséquence et non de descendre dans le détail des questions qui peuvent naître sur chaque matière. C'est au magistrat, au jurisconsulte, pénétré de l'esprit général des lois, à en diriger l'application... Quand la loi est claire, il faut la suivre ; quand elle est obscure, il faut en approfondir les dispositions. Si l'on manque de loi, il faut consulter l'usage ou l'équité. L'équité est le retour à la loi naturelle, dans le silence, l'opposition ou l'obscurité des lois positives... ». Le projet de Code civil comportait, non pas seulement un Discours préliminaire, mais un Livre préliminaire, donnant définitions et principes. Cf. P.-Y. GAUTIER, « Pour le rétablissement du Livre préliminaire du Code civil », Droits... 41, 2005, p. 37-52 et W. WOLODKIEWICZ, « Livre préliminaire et Titre préliminaire dans le projet et dans le texte définitif du Code Napoléon », RHD, 83 (3), 2005, p. 441-455. Remaquons que Discours préliminaire et Titre préliminaire furent adoptés et publiés contrairement au Livre préliminaire. 365

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